Je me cherchais une lecture précise pour m'accompagner lors de mon voyage. Un roman pas trop gros, une petite histoire romantique, rien de bien compliqué. Et surtout, une valeur sûre. C’est alors que je me suis souvenu des Vaisseaux du cœur. On m’en avait parlé il y a quelques mois, mais je l’avais alors mentalement rangé dans la catégorie: “j’ai d’autres livres à lire avant.”

J’emporte donc avec moi trois livres. Deux que j’avais déjà entamés, et Les Vaisseaux. Sur le premier vol, j’arrive à terminer un des deux que j’avais déjà commencé. Par contre, je n’ai pas l’envie de poursuivre la lecture du second: il traite d’un sujet lourd, trop lourd pour lire dans un avion. Surtout que je suis fatigué, que je commence à manquer de sommeil et que j’ai faim. Mais je me dois de passer le temps puisque je n’arrive pas vraiment à dormir. Alors sur le second vol, alors que toutes les lumières sont éteintes en cabine sauf la mienne, j’embarque dans Les Vaisseaux.

Les premières lignes me frappent:

« J’avais dix-huit ans quand Gauvin m’est entré dans le cœur pour la vie, sans que nous le sachions, ni lui, ni moi. Oui, cela a commencé par le cœur ou ce que je prenais pour le cœur à cette époque…»

Elles sont écrites à la première personne. Rien d’anormal, me direz-vous. Cependant, on sent tout de suite le caractère autobiographique du récit. Je ne m’attendais pas forcément à ça. Ça m’a pris par surprise. Cette intimité me touche d’emblée.

Dès les premiers paragraphes, la narratrice, qui est donc aussi l’héroïne et l'auteure, commence son récit par l’évocation d’un amour qu’elle a eu pour un autre homme. Un homme qu’elle aime encore visiblement. Moi qui pensais pouvoir m’endormir, me voici tout d’un coup complètement captivé par ces pages que je dévore de plus en plus rapidement.

C’est l’histoire entre un marin et une historienne que tout semble opposer dans cette vie. Elle provient d’une famille un peu bourgeoise, lui d’un milieu modeste; elle est raffinée, il est un peu gauche; elle aime tout ce qui concerne la culture, les livres, la poursuite de longues études et souhaite avoir une carrière dans ce sens, et lui il vit et rêve d’une vie plus simple, ne voulant pas vraiment sortir de son village, si ce n’est que pour prendre la mer.

Et pourtant, le hasard fait en sorte qu’ils se rencontrent: elle passe ses vacances de jeunesse dans son village à lui. Les premières fois, les premiers étés, elle le remarque; lui, peut-être. Puis un jour, ils s’échangent un regard. Un regard qui les amène à se parler, puis à s’aimer. Comme des fous.

C’est une histoire d’amour qui se développe devant nos yeux au fil des années.

Passionnelle, avec ses beaux côtés, et ses côtés plus difficiles. On perçoit derrière ces mots, ces phrases, de temps à autre, tout le temps en fait, Benoîte, l’auteure, la journaliste, celle qui a vécu l’histoire, celle qui ne cesse de s’interroger, et qui pose des questions. Plusieurs aspects de lui la dérangent. Et vice-versa. À certains moments, ou sur certains sujets, ils ne se comprennent tout simplement pas. Et pourtant, elle le trouve magnifique tel qu’il l’est. Et elle n’a aucune envie de le changer.

L’auteure nous fait plonger à travers toutes sortes de réflexions: autant par rapport à la nature des relations que nous pouvons avoir avec nos proches et ceux qu’on aime, qu’envers la société et ses différents travers. Beaucoup y est dit, de manière simple et lucide. Et c’est justement ce qu’il y a de beau dans cette idylle: rien n’est exagéré, tout est vraisemblable. C’est une histoire que nous aurions pu vivre vous et moi. Il est donc difficile de rester insensible face à ce qu’ils ont vécu: il y a facilement au moins un aspect dans cette relation envers laquelle vous allez pouvoir vous identifier.

En terminant la lecture, une envie irrésistible m’a pris d’en savoir plus: de connaître les dessous de leur histoire, d'obtenir les réponses aux questions qui me sont apparues en lisant le récit de ses souvenirs, de soutirer les derniers secrets, voire même de parler à l’auteure!

Benoîte Groult est décédée il y a quelques années et, avec elle, a disparu tout ce qu’elle n’a pas voulu partager.

Ma curiosité ne sera jamais assouvie et en y réfléchissant un peu plus, je me dis que c’est beaucoup mieux ainsi. C’est leur histoire et c’est déjà bien d’avoir su qu’elle a existé et qu’elle a été vécue de cette manière.

Image de couverture via Museum of Fine Arts Boston
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