Toi les pensées compulsives tu connais ? Ça repasse en boucle, mes symptômes sont physiques. Une pensée rationnelle  ou complètement irrationnelle prend toute la place dans mon esprit. Mes mains sont moites, mon cœur palpite. Ma volonté de vouloir contrôler ces pensées est bien présente, malheureusement c’est quasiment impossible pour moi de reprendre le contrôle. Je rumine, je mâche et remâche en boucle l’herbe de mon pâturage tel un bovidé. Je suis de la famille des ruminants.

Le souper du dimanche va bon train, ça sent les cannellonis farcis de ma mère… LA recette! Ça me replonge au moment de ma vie où je n’avais aucune responsabilité, outre celle d’en profiter au maximum.

Ça vibre dans ma poche, je regarde: « Steph faut qu’on se parle, je passerais sur l’heure du dîner vendredi ».

Ça y est, ça spin

Ça spin quasiment aussi vite que la roulette dans la cage du hamster en quête de liberté, la roulette qui fait presque du feu.  Je suis déchirée entre il m’annonce son cancer grade 4 ou il me donnera sa démission ou encore, il demandera une augmentation de salaire…peut-être qu’il se sépare ? Pauvre lui.

Peut-être que je devrais prendre le taureau par les cornes et lui dire que moi aussi faut que je lui parle ?! C’est ma nouvelle tactique de communication parce que le : « Faut qu’on se parle », ça me fait mal en dedans.

Mais j’y pense, si c’était l’augmentation de salaire, il me l’aurait écrit directement : Steph, c’est le moment de l’année où normalement on parle de mon salaire. Alors ce n’est pas ça.

My god, ça doit être vraiment grave.

Je pense au Go Fund Me, à mon texte, à sa femme ronger par la peur, ses enfants… Les Noëls où ils n’auront plus leur père. Il me semble aussi qu’il semblait fatigué la dernière fois que je l’ai vu, poches sous les yeux. Peut-être que c’est juste le changement de saison, tout le monde que je connais (ou presque) vit un peu de dépression saisonnière, le manque de lumière, le changement d’heure. J’y pense, je pourrais lui offrir une caisse d’agrumes, une lampe de luminothérapie, j’en ai vues chez Costco… Je lui ferai un petit paquet cadeau, comme ceux qui étaient populaires à une certaine époque avec des fruits, des confitures et des biscuits. Les confitures, tu les refiles toujours en cadeau d’hôtesse à quelqu’un d’autre. Ce sont des perma confitures, elles sont surement expirées, mais comme tu les redonnes toujours en cadeau, ce n’est dangereux pour personne.

Là je me surprends intérieurement avec un : Steph, calvaire, calme-toi.

Tu es rendu bien trop loin. La voix de la raison se fait entendre, la grande rationnelle, mais j’vais vous le dire, dans ma petite tête, cette voix là se fait souvent écraser par l’autre énervée. Si cette voix était une personne, elle aurait bu beaucoup trop de café, elle ne marcherait pas, elle sautillerait, elle parlerait chaque fois que tu parles. Pour se faire entendre, elle ferait des front flips et elle crierait en même temps que toi. En fait, elle est un peu comme une radio allumée un peu trop fort dans ton environnement de travail. De surcroit, ce n’est pas vraiment de la musique que tu aimes, c’est plus de la musique qui t’agresse.

J’ouvre les yeux, ceux qui n’étaient pas fermés. Le souper est terminé, ma sœur court après sa gang : on s’en va ! Est-ce que j’ai soupé ? Est-ce que j’ai mangé ma pointe de tarte aux pommes et crème sure, il me semble que non, je le saurais. Son goût reste sur chacune de mes papilles et ça goûte le ciel.

Je ramasse ma petite, on fait les bizous et on quitte. J’y pense à chaque fois que j’ouvre l’œil durant la nuit.  Si tu n’es pas un hyper sensible anxieux, tu te dis sûrement à la lecture de ce texte, « fille calme toi », tu capotes ben trop avec ça. Et bien, je suis d’même, je pourrais sûrement prendre quelque chose pour me calmer le pompon, mais je n’ai pas envie d’aller là …

Mardi, mercredi, jeudi, vendredi !

Mon cœur bat presque la chamade, la voix rationnelle me dit: tu es vraiment niaiseuse de te mettre dans cet état-là sans savoir. L’autre sautille autour de moi de plus en plus rapidement. « Steph, je ne te dérange pas longtemps, je prendrais trois avant-midis pour l’orthodontiste à mon gars. J’aurais aimé prendre ça sur des pédagos, mais l’horaire ne fonctionnait pas. Ça te va ? »

Bien sûr, pas de soucis.

J’aimerais te dire que la prochaine fois je n’irai pas aussi loin. Parfois je me gêne moi-même. J’aimerais passer la famille des ruminants à la famille des nématodes. Dans cette seconde famille, je serais sans aucune hésitation un Caenorhabditis Elegans. Il vit sous terre, il a le plus petit cerveau au monde. 959 cellules, 302 neurones plus précisément. Bon peut-être que je garderais mon aspect extérieur, être un verre ça ne me parle pas plus que ça. Et tsé, surement que du haut de mes 302 neurones je me trouverais un moyen d’angoisser, je suis comme ça.

Mes minis trucs, rien de professionnel là-dedans, rappelle-toi, je n’ai que 302 neurones… J’en parle à quelqu’un de rationnel, pas mes sœurs, elles sont faites sur le même moule et ça fait boule qui roule. Je fais des exercices de relaxation. Et au final si ça prend trop de place, je devance le rendez-vous, je partage mon inconfort, ou je réponds : moi aussi il faut que je te parle.

Image de couverture via Unsplash
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