On me décrit comme une personnalité forte. Je m’affirme la plupart du temps et j’essaie de le faire même quand je suis inconfortable. Je suis le genre de personne dont les injustices viennent brasser solidement le dedans et je suis toujours prête à défendre les plus vulnérables ou les gens dont les droits ont été lésés. Je tends presque toujours à aller voir directement une personne pour parler de ce qui me déplait que de chuchoter derrière son dos. Oui ça nous arrive tous de le faire, mais j’aspire à enrayer cette pratique le plus possible parce qu’elle m’énerve quand même pas pire. J’aime bien le film Mean Girls, mais ça ne me tente pas que mon quotidien soit l’adaptation réelle de celui-ci.
Je le sais ce que tu te dis. Cette fille doit être inébranlable et doit avoir une solide force de caractère. Et si je te disais que cette fille a été intimidée une partie de sa vie?
Je me rappelle au primaire. Des amis, j’en avais. Par contre, j’avais vraiment de la misère à régler des conflits avec les jeunes de mon âge. Je m’entendais davantage avec les gens de l’âge de ma sœur aînée et des adultes. J’ai souvent entendu par les madames « tu es une petite fille bien mature » ou « tu as une vieille âme ». Oui ça m’arrivait de faire des enfantillages parce qu’après tout, une enfant, j’en étais une, mais j’ai souvent eu l’impression d’être à part des autres. Je me rappelle que les professeurs disaient à mes parents : « Votre fille est très douée pour résoudre des problèmes dans un livre de maths, mais c’est difficile de le faire dans la cour de récré ».
Je ne prenais jamais l’autobus, mes parents venaient m'amener à l’école qui était située non loin de chez moi. Déjà à cette époque, mes quelques minutes de sommeil m’étaient très précieuses et je dois dire que j’étais vraiment gâtée que mes parents viennent m'amener quelques minutes avant que la cloche sonne. Je me rappelle un matin être arrivée et que mes yeux aient atterri sur les briques rouges de l’école. Mon nom y était écrit avec de la craie, celui-ci étant entouré d’insultes. Je savais que tous les enfants avaient vu. J’avais vraiment honte, j’étais gênée. Mes amis avaient tenté d’effacer le tout, mais les auteurs avaient pris soin de peser bien fort question que ce soit le plus apparent possible. Je me rappelle aussi d’avoir eu des jambettes une couple de fois et d’avoir des bleus qui ne s’étaient pas vraiment faits en « jouant au soccer ».
J’avais hâte d’arriver au secondaire croyant que cette époque était résolue. Quelle naïveté! Tu sais, je n’avais pas l’allure de la « rejet ». En passant, je déteste ce terme rétrogradant, mais je vais l’utiliser pour le besoin de la cause puisqu’il fait partie du langage social de l’adolescence. J’avais des amis, j’ai eu un copain, certains enviaient mon style vestimentaire, je réussissais bien à l’école, je n’avais pas grand-chose qui détonnait. Je parlais à tout le monde peu importe les cliques ou les classes sociales. J’étais le genre de fille qui demandait à la personne qui était toujours seule si elle voulait se mettre en équipe avec moi parce que je trouvais ça vraiment poche qu’elle soit à part des autres. J’avais le respect des rebelles, les nerds me trouvaient gentille et je ne les méprisais pas, les plus populaires pouvaient rire avec moi. J’étais la fille qui parlait à tout le monde.
Mais...
Je me rappelle avoir eu mal au ventre avant de prendre l’autobus. Je me rappelle m’être connectée à MSN et Facebook et appréhender les messages haineux avec la gorge nouée. Je me rappelle voir ce regard de ces filles qui m’épiaient et qui ricanaient entre elles. Je me rappelle de la fois où j’étais malade, que j’ai manqué plusieurs semaines d’école, que le prof prenait les présences et qu’une fille ait dit à la mention de mon nom « elle n’est pas là, elle est morte » et qu’elle et ses amies s’étaient esclaffées. Je me rappelle des insultes qui me lacéraient l’âme. Je me rappelle de m’être demandée pourquoi mes amis étaient mes amis. Je me rappelle m’être demandée pourquoi des gars posaient des yeux sur moi en me disant qu’ils finiraient par me trouver inintéressante et aller voir ailleurs. Je me rappelle m’avoir demandé ce que ça ferait si je n’existais plus. Je me rappelle avoir fait le décompte des jours avant la fin de l’année scolaire.
Je paraissais dégager une confiance débordante. J’arrivais même à me défendre. Sauf que l’acharnement ne cessait pas. Certaines personnes avaient dans leur tête de me détruire et à mon plus grand désarroi, elles y arrivaient presque.
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Plusieurs années après, j’ai reçu des messages de certaines filles qui s’excusaient d’avoir agi de façon ingrate avec moi, ne comprenant pas d’où émanaient leurs comportements et attribuant cela, avec du recul, à une certaine forme de jalousie. J’ai appris à pardonner à ces personnes, même si elles font que je suis porteuse de certaines cicatrices, voire certains traumatismes. J’ai décidé d’avancer de l’avant et le mépris ne fait pas partie de ma route, donc c’est un peu pour ça que je tente de ne pas garder de rancune.
Aujourd’hui, j’ai réussi à reconstruire mon estime personnelle. Je dois dire que ma confiance en moi bat quand même un peu de l’aile, mais que ça s’améliore de plus en plus. Parce que oui, je considère que ce sont deux choses différentes. L’estime de soi est la valeur que l’on s’accorde en tant que personne. Je sais ce que je vaux et je suis fière de la personne que je suis. Néanmoins, ma confiance en moi demeure fragile. Bien que je connaisse ma valeur, j’ai peur que celle-ci se dissipe. C’est un peu comme si tu te prépares intensément pour un examen et que tu connais la matière sur le bout de tes doigts, mais que tu appréhendes de perdre toutes tes notions une fois le bout de papier devant toi.
Des moments où je me suis sentie toute petite, il y en a eu. Des moments où j’ai voulu disparaître, il y en a eu. Des moments où j’ai perdu de vue un bonheur possible un jour, il y en a eu. Sauf que je suis là aujourd’hui. Avec mon bagage de vie qui m’a rendue vraiment plus forte émotionnellement. Qui m’a amenée à mettre mes limites, m’affirmer et même défendre ceux qui ont encore de la difficulté à le faire.
Si j’ai des conseils à te donner, ce serait de pas garder ça pour toi, de pas penser que les relations interpersonnelles c’est de la merde, de ne pas avoir peur de t’ouvrir aux autres, mais de continuer à exercer une certaine vigie pour reconnaître les personnes qui ne t’apporteront pas de positif dans ta vie. On finit toujours par se reconstruire, même si ça prend du temps. Tu vas aussi finir par pardonner, même si tu penses que c’est impossible. Ta valeur ne s’est pas volatilisée, c’est ton cerveau traumatisé par toutes ces misères qui veut te faire croire qu’elle est en train de disparaître. Tu n’as pas d’impact sur les agissements des autres, mais tu as de l’impact sur les tiens et sur ta façon de composer avec la situation. Ne te laisse pas détruire s’il vous plaît. Ne perds pas de vue qui tu es et dis-toi qu’un jour tu en seras grandie.