À titre de réviseur et de collaborateur au blogue Le Cahier, c'est avec plaisir et intérêt que j'ai accepté l'invitation d'assister à la pièce de Théâtre Run de lait et j'en remercie Le Cahier et le Théâtre Duceppe. Cette invitation m'a attiré pour trois raisons majeures, la première étant mon intérêt pour le théâtre documentaire, la pièce J'aime Hydro que j'ai beaucoup aimée en représente un excellent exemple.
Mon second motif est personnel et relié au sujet puisque mon beau-père a travaillé pour une petite usine de transformation laitière et que ma soeur et mon beau-frère ont eu une ferme laitière pendant de nombreuses années si bien que j'ai des connaissances sur l'évolution de l'industrie laitière au Québec à travers deux générations de québécois.
Enfin, ma préoccupation pour l'environnement, le bien-être animal et ma responsabilité comme citoyen et consommateur représentent la troisième raison de ma curiosité pour ce documentaire théâtral.
Run de lait a été créé au Trident, à Québec en 2022, mais le projet s'est amorcé 5 ans auparavant où l'auteur Justin Laramée a été sollicité pour s'engager dans une enquête afin de traiter la détresse psychologique des producteurs laitiers. Au fil de sa recherche, il essaie de saisir les raisons sous-jacentes à la disparition massive des fermes laitières et il nous présente les complexités du système de gestion de l'offre qui encadre la production laitière et la menace sans passer sous silence l'enjeu écologique et le traitement réservé aux vaches et aux jeunes veaux. Pour y arriver, Justin Laramée, sur qui reposent aussi l'interprétation et la co-mise en scène avec Olivier Normand, a consulté plusieurs spécialistes de la production et la transformation laitière en plus de nous résumer en quelques minutes quelques 8000 ans d'histoire de la production laitière.
Bien que le sujet soit vaste avec des concepts parfois rébarbatifs comme la gestion de l'offre, les classes de lait qui influencent le prix du lait et les traités de libre-échange, Justin Laramée se montre un excellent vulgarisateur qui sait bien extraire l'information d'un sujet aussi dense qu'il rend intéressant et qu'il présente avec humour, autodérision et indignation.
Par l'entremise d'une dizaine de haut-parleurs placés sur la scène qui prennent la forme de personnages qu'il fait dialoguer à travers les extraits d'entrevue enregistrés auprès de propriétaires de petites et grandes fermes, de spécialistes et de politiciens pour évoquer la diversité d'opinions. Il est aussi accompagné sur scène par un musicien, Benoit Côté, qui se prononce aussi sur le sujet qui lui est familier ayant hérité avec son frère de la ferme familiale. Il se permet aussi de remettre en question le point de vue urbain de l'auteur qui est confronté à ses naïvetés.
J'ai beaucoup aimé la créativité et la couleur théâtrale que Justin Laramée donne à la pièce.
En se déplaçant énormément sur scène, en faisant de même avec ses accessoires et en revêtant divers costumes, il sait bien occuper la scène et le déroulement de la pièce est dynamique et rythmé si bien que notre attention reste soutenue tout au long de cette ¨run de lait¨ de deux heures.
Run de lait nous informe et nous interpelle comme consommateurs afin que nous demeurions vigilants sur les produits laitiers que nous achetons. Pour nous assurer que le lait que nous achetons est 100% canadien, il faut nous référer au petit logo bleu des producteurs de lait du Canada ce qui nous certifie que le produit est exempt de lait diafiltré, ces protéines laitières américaines. Enfin j'ai à nouveau été choqué lorsqu'on m'a rappelé le sort réservé aux petits veaux mâles. N'étant d'aucune utilité pour la production laitière et la consommation, jeunes nourrissons, ils sont abattus!
Run de lait est un excellent théâtre documentaire que je vous recommande de voir. Les représentations des prochains jours chez Duceppe affichent complet, mais le spectacle est présenté dans les prochains mois dans différentes villes du Québec.
Image de couverture via Théâtre Duceppe