Riverdale est une des séries Netflix les plus populaires de l’année, et, sous ses airs de série faite pour les adolescents, renferme plus de complexité qu’il n’y parait.
L’histoire débute sur la disparition de Jason Blossom, le quart-arrière du lycée lors d’une promenade en bateau avec sa sœur, Cheryl, en plein milieu de l’été. Sur un léger fond de thriller, la série nous entraîne dans la vie de cinq lycéens : Betty, Veronica, Cheryl, Archie et Jughead, et leur enquête sur ce qui se révèlera être le meurtre du jeune Blossom. Entre tensions familiales, complots mafieux, magouilles, cadavres dans les placards, romances adolescentes et milkshakes à la fraise, Riverdale nous plonge au cœur d’une petite ville américaine qui regorge de mystères...
Mais aujourd’hui, nous n’allons pas parler de l’intrigue de cette série, adaptée des bandes dessinées de Archie Comics, mais plutôt du travail exceptionnel des réalisateurs, dont notamment Roberto Aguirre-Sacasa, et Simone Gore, la directrice artistique.
Ce qui est d’abord frappant avec Riverdale, ce sont les couleurs présentes dans la série. La ville en elle-même nous dépeint un décor aux couleurs ternes, grisonnantes, signifiant, certes, le deuil des habitants par rapport au meurtre de Jason, mais aussi le caractère insipide et ennuyeux de cette bourgade. Riverdale est une petite ville d’environ 8000 habitants, au cœur de l’Utah, dans l’ouest des Etats-Unis. En somme, nous sommes loin des décors de rêve d’un HighSchool Musical (au Nouveau-Mexique) ou du New-York flamboyant des dernières saisons de Glee, et donc bien loin d’un lieu idéal pour des adolescents modernes ayant de grandes ambitions. Aussi, ces tons fades font totalement écho à la ville qu’ils représentent. Riverdale est une petite commune où, habituellement, il ne se passe jamais rien. De la même manière, les personnages eux-mêmes sont vêtus avec des costumes aux couleurs ternes, presque délavées.Dans les premiers épisodes, même le bleu roi et l’orange des vestes de football d’Archie paraissent plus pâles, presque fades.
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Et c’est d’autant plus frappant avec l’arrivée de Veronica, et les scènes qui se déroulent chez elle. Directement venue de New-York -de la métropole, en fait- « Ronnie » porte toujours des vêtements de couleur pourpre, violet, bleu, et même noir, mais nettement plus flamboyants que ceux de ses camarades. L’appartement qu’elle occupe avec sa mère brille de luxe et de couleurs claires. L’accent est mis sur le fait qu’elles d’eux n’appartiennent pas réellement à ce monde, elles viennent d’un univers différent et, malgré leur tentative d’intégration à la ville, elles s’en démarquent toujours. Le seul autre personnage qui se détache des couleurs habituelles de Riverdale, c’est Cheryl. Car si les Blossom vivent et sont parfaitement intégrés àRiverdale, ils sont au-dessus des autres, ils dominent la ville par leur richesse et leur total mépris pour la classe moyenne qui constitue la majorité de sa population. Mais, loin des couleurs sobres et plutôt « classy » de la famille de Veronica, les Blossom sont très attachés à la couleur rouge, directement en accord avec leur couleur de cheveux. Et, si, avec le dénouement de la première saison, beaucoup ont pensé que la couleur rouge était liée à celle du meurtre deJason, il faut savoir que c’est également une couleur qui signifie l’ambiguïté, le paradoxe. Le rouge attire et met en garde, représente la vie et la mort dans un même temps. Et cette complexité fait totalement écho à la famille de Cheryl. Les Blossom paraissent être la familleidéale tout en nous donnant en permanence un sentiment de danger, ils attirent l’œil et effraient en même temps. Et sur ce point, encore, l’accent mis sur les couleurs est essentiel.
Si l’on continue sur les couleurs, nous devrons aborder le sujet de Betty et Jughead. De son côté, la jeune Cooper arbore, en permanence, des couleurs claires. Blanc, beige, rose pâle, elle représente entièrement l’innocence et la légère naïveté dont elle fait preuve au début de la série. Mais, à l’instar de sa famille, l’accent mis sur ces couleurs claires, blanchâtres, est aussi à double tranchant. Si les Cooper paraissent innocents, et jouent dans les tons de la transparence, ce n’est qu’une façade, car, comme on le découvrira au fil des épisodes, la mère et le père de Betty ont autant de cadavres dans le placard que les autres familles de Riverdale. Elizabeth elle- même dévoilera, à plusieurs reprises, un caractère fort, et une légère tendance à la démence.Loin d’être la jeune fille parfaite dont elle a l’air, sa « face cachée » est tout aussi obscure que celle de son petit ami, Jughead, et la pureté que voudrait représenter ses vêtements n’est que pure illusion. A l’opposé, Forsythe P. Jones, surnommé Jughead, est toujours vêtu de couleurs sombres. Noir, gris foncé, bleu foncé, marron, il semble parfaitement ancré dans le côté sombre de la ville, dans le monde de son père et des Southside Serpents, le gang qui menace Riverdale. Mais, en miroir de la situation de Betty, les vêtements de l’adolescent ne reflètent pas réellement sa personnalité qui, au final, cache un côté très lumineux. Jughead s’habille de couleurs sombres parce qu’il se sent pleinement dans le camp des « bad guys », parce qu’il sait qu’il est lié aux Serpents et a l’impression qu’il ne pourra pas s’en détacher. Or, l’évolution de son personnage nous montre qu’en réalité il est loin du « méchant » qu’il pense être, et, à plusieurs reprises, il est celui qui est le plus juste avec les autres personnages.
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Toutefois, on peut voir une deuxième signification au fait qu’il porte principalement des couleurs sombres. S’il n’est pas totalement le bad guy qu’il croit être, s’il ne fait pas vraiment partie du clan des méchants, on peut supposer que Jughead porte des vêtements noirs parce qu’au-delà de ses camarades, il connait le « côté obscur » de la ville, il voit clairement dans le jeu des autres personnages et sait parfaitement discerner la partie sombre de leur personnalité.Tel un Lorenzaccio des temps modernes, il porterait ainsi des habits foncés parce qu’il perçoit clairement les manigances des autres protagonistes, les mensonges, les mauvaises intentions... et c’est ce qui le rend, justement, véritablement clairvoyant dans beaucoup de situations mais aussi plus juste avec ses camarades. Il connait le côté sombre des choses, des êtres humains, et, s’il sait le voir mieux que personne, il saura d’autant plus apprécier leur côté plus lumineux. Et c’est, peut-être en cela que son histoire d’amour avec Betty parait si équilibrée, et harmonieuse. Parce qu’il jouit pleinement de la personnalité rayonnante de la jeune femme, tout en en ayant conscience de la partie plus sombre de sa personnalité. Et c’est clairement représenté lorsque les deux adolescents vont fouiller la maison du père de Jughead, à la recherche d’indices sur la mort de Jason. Un peu plus tard, quand ils s’embrassent, c’est sous la lumière d’un réverbère. Car même s’ils sont dans la « partie sombre » de la ville, dans le monde de Jughead et des Serpents -et qu’il fait nuit- leur amour symbolise la lumière dans la vie du jeune homme, ce qui le raccroche à l’espoir et, peut-être, à l’envie d’avancer vers un avenir plus lumineux...
Pour finir sur l’importance des détails et des accessoires dans Riverdale, nous allons maintenant nous pencher plus précisément sur les cas de Veronica et Jughead. Dans la série, la plupart des personnages principaux se dévoilent, soit auprès du spectateur, soit auprès de leurs amis, sans far. Betty montre, après seulement quelques épisodes, que sa personnalité est loind’être aussi lumineuse qu’il n’y parait, et Archie, étant le personnage principal, nous entraîne sans cesse dans ses problèmes de cœur, ses hésitations, ses angoisses et ses blessures. De leur côté, si l’on en apprend pas à pas sur Ronnie et Jughead, ces deux protagonistes restent les plus mystérieux du groupe. Si l’on connait le passé de leurs familles respectives, et ce qui se passe dans leurs vies, il est souvent ardu de discerner ce que pense réellement le jeune homme, et, de la même manière, il est très difficile de comprendre ce qui se passe derrière la figure de glace de Veronica et son éternel sourire enjôleur. Aussi, la directrice artistique de la série nous a donné quelques indices sur les rares moments où ces deux héros se dévoilent réellement : une chambre et un bonnet. Cela vous paraît stupide ? Ça ne l’est pas autant qu’on pourrait le croire.
Dans toute la saison un, de multiples scènes ont lieu dans les chambres des personnages. Les premiers instants de la série se passent d’ailleurs entre la chambre de Betty et celle d’Archie. Cela paraît assez anodin, puisque certains adolescents passent beaucoup de temps dans leur chambre, mais la suite de la saison nous laisse voir le contraire. En réalité, nous avons accès à leurs chambres, à cette partie intime de leur vie -une chambre à coucher n’est tout de même pas le lieu où on laisserait entrer n’importe qui- parce que leurs personnages sont transparents.Nous savons exactement ce qu’ils ressentent, leurs réactions par rapport aux situations qui se présentent à eux, leurs désirs, leurs envies, leurs craintes, etc. Et cela est représenté par le fait que leurs chambres respectives sont totalement exposées aux yeux du spectateur. Il en va de même pour Cheryl, d’ailleurs. Car, si la jeune femme nous parait quelque peu dérangée, et si elle essaie maladroitement de garder toujours une façade de « reine du lycée » elle est bel et bien un personnage entier, qui n’hésite jamais à afficher ce qu’elle ressent, que ce soit de la haine, de la colère, ou même des larmes. Plus tard, on aura l’impression d’entrer également dans la chambre de Jughead mais, n’étant que sa planque dans le lycée pour ne pas vivre chez son père, il ne s’agira que d’une illusion, et au final, on ne pourra jamais réellement le voir dans sa propre chambre à coucher. Et Veronica dans tout ça ? Justement, nous y venons. Le seul moment où nous voyons la chambre de la jeune Lodge, c’est dans l’épisode final de la première saison, lorsqu’elle invite Archie chez elle, et qu’ils dorment ensemble. C’est la seule et unique scène où nous aurons, brièvement, accès à la chambre de la jeune femme, à son intimité, si on veut. Et c’est une manière habile, également, de représenter sa confiance et son amour pour le jeune homme.
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Abordons maintenant le sujet du fameux bonnet. Mais si, vous voyez très bien de quoi je parle : de l’étrange chapeau qui est, été comme hiver, fixé sur le crâne de Jughead. Nous passerons évidemment sur l’aspect du bonnet, car le style des lycéens de Riverdale n’est pas le sujet de notre problématique aujourd’hui. Mais si le bonnet de Jughead est si important, c’est parce qu’il représente sa carapace, justement, et il le porte en permanence, signe qu’il ne dévoile jamais réellement ce qu’il ressent. D’ailleurs, il ne retirera son chapeau que lorsqu’il fera des confidences à Betty sur ses sentiments, et ses hésitations par rapport à son père, lorsqu’il dormira chez Archie -son meilleur ami d’enfance- mais aussi... la première fois qu’il portera la veste que les Serpents lui ont donnée ! Et c’est en cela que, à mon humble avis, la question de son appartenance ou non au gang des Serpents est bien plus complexe qu’il n’y paraît...
Et vous, quelles sont vos observations sur Riverdale ?
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