Quand est-ce que j’ai arrêté de vivre de folies ? De me nourrir de sexe, d’alcool et de musique punk? C’est arrivé quand ?
Quand est-ce que j'ai arrêté de me sentir agitée tous les vendredis soirs, d'avoir si soif de conneries, de vouloir vivre à 100 milles à l'heure en brûlant la chandelle par les deux bouts?
J’imagine que c’est quelque part entre la venue de mes enfants et mon anniversaire de 25 ans. À un moment donné, je me suis domptée. J’ai dompté mon cœur sauvage. Je l’ai attaché en laisse derrière moi pour qu’il me suive et reste fidèle, calme.
J’ai cessé de vouloir vivre des beautés malsaines, des débauches douloureuses. J’ai arrêté de trouver ça beau le bordel. Arrêté d’aimer les étreintes trop courtes et les « au revoir » dignes de films dramatiques.
J’ai réalisé que mon corps déchu au milieu du salon ce n’était pas si beau. Que l’image de moi toute maganée qui mange une soupe Lipton sur un lendemain de grosse soirée ce n’était pas si poétique, finalement. J'ai réalisé que les aventures d'un soir qui finissent en larmes et en regrets, les frenchs qui puent la bière et les "c'est quoi ton nom, donc?" ce n'était pas si cute.
Ce n’est pas parce que j’ai senti qu’il le fallait, c’est arrivé tout seul, comme ça. J’ai mis en cage mes pulsions, ma fébrilité de jeunesse, mon amour méphitique pour le rhum.
J’ai troqué mes folles virées en voiture, ma tournée des bars, mes soirées interminables à veiller jusqu’aux petites heures du matin contre des réveils en douceur sans mal de tête, des cafés froids, des sourires sans pareils, des journées à regarder Disney et des soirées « pyjama-popcorn » à se raconter des histoires dans des cabanes en drap contour.
Ma vie se résume maintenant à m’endormir devant « Le Roi Lion » après avoir passé quatre heures à habiller des Barbies. Faire des muffins en famille et devoir ramasser de la farine dans tous les recoins de la cuisine pendant huit jours. Regarder des spectacles de gymnastique « amateurs » des journées de temps. Se grouiller pour s’habiller chaque matin parce qu’on se lève beaucoup trop tard et que l’autobus n’attend personne. Faire des devoirs, ramasser des bas sales toute la semaine, panser des bobos, recevoir une attaque de câlins… Et beaucoup d’autres merveilles dans le genre.
Des pique-niques en famille, des sorties au zoo, des compétitions de pâte à modeler. Des costumes d'Halloween faits maison, des traditions de Noël parfaites, des soupers de couple (très rares) mais tellement appréciés. Des "je t'aime" qui se sentent pour de vrai, des bisous soufflés à travers la fenêtre givrée de ma voiture. Des "maman, j'ai peur" avant le dodo, des séances de chasse aux monstres.
Du bonheur, du vrai.
Même si parfois j'ai cette petite amertume, cette impression de ne pas avoir assez profité de ma jeunesse, je n’échangerais ma vie contre rien au monde.
Et tout au fond de moi, je sais que mon cœur reste sauvage. Il a juste appris à vivre d’autres folies, à aimer un autre type de liberté. Plus douce, saine et remplie d’amour.