J’ai eu la chance d’aller voir la pièce Docteure au théâtre Duceppe la semaine dernière et je ne crois pas encore être en mesure de mettre les mots justes sur cette œuvre, mais je vais tout de même m’y essayer. Les décors sont sublimes, les acteurs grandioses. C’est le genre de pièce qui nous tire une larme, nous fait rire et nous fâche. Une pièce vraie, humaine et qui saura toucher tout le monde, sans exception.

Synopsis

Rachel Wolff est une médecin à la tête d’un institut qui se spécialise en recherche sur l’alzheimer. C’est une femme aux opinions tranchantes qui ne se laisse pas marcher sur les pieds. Elle semble vivre pour travailler et non le contraire et prend à cœur la santé de ses patients. Une journée ordinaire, une jeune patiente de 14 ans entre dans l’hôpital pour se faire soigner après un avortement maison bâclé. Dr Wolff réalise bien rapidement que l’adolescente n’en a que pour quelques heures au plus à vivre, étant arrivée trop tard à l’hôpital. Elle continue tout de même les soins.

Les parents de la jeune fille, qui sont dans l’avion et ne peuvent venir la visiter, envoient un prêtre pour qu’elle reçoive les derniers sacrements. L’homme d’Église se présente à l’hôpital et tente d’entrer dans la chambre, mais Rachel l’en empêche. Elle lui dit que voir un prêtre arriver dans la chambre serait l’équivalent de voir arriver la grande faucheuse et qu’une mort paisible est de préférence. C’est ainsi que commence une altercation entre la foi (le prêtre) et la science (la docteure). La jeune fille commence à délirer et finit par mourir l’esprit troublé, et ce, avant que le prêtre n’ait pu y aller.

Je vous laisse découvrir la suite des choses puisque je pense vraiment que cette pièce mérite d’être vue. Disons seulement que l’événement fait boule de neige et prend des proportions plus grandes que l’on pourrait imaginer.

Scénographie et jeu

La scène chez Duceppe est impressionnante. Pour être souvent allée voir des créations dans de plus petites salles, il y a quelque chose de poignant à regarder les acteurs performer sur ces planches.

Le décor est sobre, mais nous met directement dans l’ambiance. Des rideaux blancs sont installés pour diviser la scène de l’avant à l’arrière. Ceci n’est pas sans rappeler les rideaux à l’hôpital qui divisent les chambres semi-privées pour nous faire croire en une intimité qui n’est pas toujours présente (un peu comme lorsqu’une décision médicale devient un débat de société). Le fait qu’il y ait autant de rideaux est aussi un rappel selon moi aux différentes couches de cette pièce. Les enjeux et les personnages sont complexes, rien n’est noir ou blanc et l’histoire avec un grand H ajoute une nouvelle dimension aux enjeux actuels.

Critique

J’ai beaucoup aimé cette pièce. Elle touche des sujets sensibles, mais ô combien importants sur l’identité et notre obsession face à elle. Tout au long de la pièce, Dr Wolff se défend de ne pas se mettre une étiquette. Elle est une femme lesbienne et juive, mais ne souhaite pas en parler puisque pour elle, ces éléments de sa vie n’influencent aucunement son métier. Elle ne cesse de répéter qu’elle est médecin et que toutes ses décisions sont basées sur la science et ses protocoles. Je suis portée à croire qu’on ne peut effacer à 100% ses propres biais sans d’abord les reconnaître, surtout lorsqu’une personne athée est confrontée à la religion dans un contexte où la foi est mise à l’épreuve.

La pièce nous fait voir différents points de vue et nous garde captifs jusqu’à la fin. J’aime penser qu’en sortant du théâtre, tout le monde est un peu plus ébranlé sur certains sujets et que des discussions s’en suivront. L’amie avec qui j’étais a d’ailleurs parlé peu après la pièce, me disant qu’elle devait continuer d’y réfléchir. Quand il y a autant de gris, nous avons encore et toujours le réflexe de chercher le blanc et le noir.

DIVULGÂCHEUR!

Nous apprenons à la fin de la pièce que l’ancienne amoureuse de Rachel était atteinte de l’alzheimer et s’est enlevé la vie. C’est à ce moment que le personnage de Pascale Montpetit dit la métaphore qui m’a fait verser une larme. Elle explique que le cerveau est un ramassis de tiroirs. Ces tiroirs sont des souvenirs, les plus anciens dans le bas et les nouveaux en haut. L’alzheimer allume un feu au cerveau et commence par le haut, effaçant tranquillement nos souvenirs les plus récents jusqu’à ce que l’on perde carrément notre identité. Tous ceux qui ont connu des gens atteints de cette maladie, ou pas, comprendront la peine du personnage et ne resteront pas de glace devant celle-ci.

La pièce sera présentée jusqu’au 18 novembre au Théâtre Duceppe.
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