Je suis à un point tournant de ma vie. La mi-vingtaine qui approche à grand pas. La fin du bac. Le début d'une carrière. Je ne sais pas trop où tout cela me mènera, mais je sais que je veux profiter de chaque instant. Depuis quelque temps, profiter de la vie pour moi se fait en voyageant. Découvrir le monde, ouvrir ses horizons, faire des rencontres inspirantes. Un processus lors duquel je me sens libre et épanouie. Des sensations essentielles à la construction de sa personnalité.
À l'instant où j'écris ces lignes, je suis installée dans un hamac, sur le porche d'une auberge au Costa Rica. Half Moon Run dans mes oreilles. La belle vie, vous me direz! En effet, je ne suis pas à plaindre. Alors que l'hiver s'installe au Québec, moi je travaille mon bronzage sur les plages de Guanacaste. Je suis choyée, j'en suis consciente. Nous n'avons pas tous les moyens, le temps et l'opportunité de voyager, je le sais.
Depuis le début de mes vacances, cependant, je m'interroge. Je suis une fille de nature anxieuse, peu patiente. Constamment pressée, je ne marche pas, je cours. Entre 2 cours, entre 2 rendez-vous. Pourtant, lorsque je suis ailleurs, je suis détendue. Rien ne peut ébranler mon équilibre. Je suis une femme différente, sans soucis. Hakuna Matata! Qu'est-ce qui provoque ce dédoublement de personnalité? Le temps. Quand je voyage, je prends mon temps. Je change le rythme de mes pas, de mes respirations. Je m'arrête, j’observe.
Dans le quotidien, les choses vont vite. Une journée productive est une journée durant laquelle on arrive à en faire le plus possible. Le travail, le gym, l'épicerie, le souper, un peu de lecture et, si on est chanceux, un peu de télévision, mais pas d'annonces, sur Netflix ou préenregistré, parce que plus personne n'a de temps pour les publicités. On doit être efficaces dans nos déplacements. Pas d'arrêts, pas de détours. Se rendre d'un point A à un point B le plus rapidement possible. Sans considération pour la signalisation ou nos semblables. Une soirée passée seul à la maison devient une soirée plate, voire gâchée. Dans notre société hyper-consommatrice, hyper-technologique, nous avons perdu l'art de la fainéantise. Nos mouvements sont calculés en fonction de leur productivité. "Le temps c'est de l'argent" qu'on nous a dit. On a entendu.
Je prends donc ici, maintenant, la décision de prendre mon temps. Où que je sois. De vivre selon mes envies du moment et d'arrêter de m'en remettre à la temporalité et à l'efficience. Parce que ça devrait être ça vivre. Écouter son corps. Laisser parler nos besoins et nos désirs. Prendre les 30 secondes nécessaires, chaque jour, pour trouver du beau et l'apprécier. Parce qu'il y en a partout du beau et que de s'arrêter pour le savourer ne dérangera pas le déroulement de notre journée. Au contraire, cela nous aidera à nous ressourcer et à nous recentrer lors des journées trop mouvementées.
Le soleil se lève et se couche partout dans le monde. Il est aussi gros et impressionnant, peu importe où nous sommes pour le regarder. Il faut simplement choisir de s’immobiliser un instant pour l’observer. Et si notre peau gercée par le froid et notre teint verdâtre nous donnent parfois l'impression que la vie est plus facilement appréciable ailleurs, rappelez-vous que les paysages les plus imparfaits cachent souvent une beauté incomparable. Il s'agit parfois de regarder "au delà de ce que l'on voit" pour trouver du beau. Voyager m'aura certainement appris cela.