Alors que j'aurais tellement de raisons de détester cette fête.
Chaque Noël, je me rappelle que ma mère n'est plus là. Qu'elle ne sera plus jamais là. C'est collé dans ma face jusqu'à ce que ça soit tout ce que je puisse voir. Et ça me rend triste. Parce qu'elle adorait Noël et que je ferais tout pour qu'elle soit là.
Mais ce n'est pas possible. Ça ne le sera jamais. C'est triste, oui, mais c'est comme ça. On perd des gens. Et on s'ennuie d'eux. Et les fêtes nous les rappellent, parce que c'est une célébration familiale. Mais j'ai pris une décision il y a longtemps. J'ai décidé de continuer à aimer Noël. Ma mère m'a fait aimer Noël, alors je lui devais bien ça.
Je pense à tout le temps qu'elle prenait pour décorer notre 4 et demi. Du bonhomme de neige que j'avais dessiné en 4e année qui trouvait toujours sa place sur sa porte de chambre. Que le laminé de Notre-Dame de Paris (oui, la comédie musicale, c'était le début des années 2000, laissez-nous une chance) était remplacé par les cartes de souhaits des fêtes envoyées par toute la parenté. Que nos fenêtres étaient remplies de collants-qui-ne-collaient-pas-si-bien festifs, à l'image des lutins du Père Noël. Je pense aux desserts qu'elle cuisinait. Immanquablement. Chaque année.
Je pense à tout ça et je me dis que ce sont autant de bonnes raisons d'aimer Noël.
Que, moi aussi, je peux prendre le temps de cuisiner ces desserts que j'ai tant aimés. Rice Krispies avec un soupçon de vanille, le secret ultime. Sucre à la crème, manqué une année sur deux. Gâteau Reine Elizabeth, pour les grandes occasions. Doigts de dame, ce mélange de chocolat, petites guimauves et arachides. C'est à moi de continuer la tradition. Et pas seulement pour elle. Pour moi.
Parce que j'ai envie que Noël garde la magie qu'elle a pris tant d'énergie à me transmettre. Parce que j'aime ses lumières, ses couleurs et ses odeurs. Parce qu'un sapin décoré, je trouve ça beau à en pleurer. Parce que regarder la neige tomber dans le calme du soir me donne le goût de sourire comme un enfant. Parce qu'aller se promener dehors après une nouvelle bordée blanche et faire les premières traces sur le sol encore vierge, c'est un privilège. C'est ce qu'on m'a appris.
Alors, cette magie, je vais continuer à la faire revivre. Parce que Noël, pour moi, c'est un pacte silencieux entre ma mère et moi. Et dans ce pacte, je lui dis que je pense à elle, à ma manière. À travers les quelques traditions que je tente de ramener, d'année en année. À travers mes desserts, mes décorations, mon calendrier de l'avent et l'étincelle qui apparaît immanquablement dans mes yeux lorsqu'il neige à gros flocons. Lorsque j'oblige mon chum à faire le tour de mon quartier pour aller voir les maisons décorées et les lumières scintillantes. Lorsque je lui demande d'aller voir les décorations des maisons de riche sur le Mont-Royal. Lorsqu'il le fait, gentiment, parce qu'il aime me voir sourire.