« Parfois, c'est ça aussi, l'amour : laisser partir ceux qu'on aime. » - Joseph O’Connor 

D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours cru à l’amour.

Le grand, le vrai, le pur. J’ai la conviction qu’il mérite qu’on se batte pour lui. Sous toutes ses formes. Alors qu'une relation d’amitié mérite d’être sauvée, l’amour, comme concept, mérite d’être ramené à la vie.

Aimer, c’est parfois être capable de faire passer le bonheur de l’autre avant le sien. Parfois. " If you love me, set me free ", dit-on. Parfois, l’objet de mon affection est mieux sans moi.

J’ai 30 ans, il serait faux de croire que j’en ai fini avec l’amour.

Même si en ce moment, j’ai envie de le bannir de ma vie. Ou plutôt, de bannir la douleur qui vient souvent avec. 

Au crépuscule d’une énième relation, je réalise que j’ai toujours laissé partir par amour. Cela fait de moi une amoureuse dévouée ou une naïve en série.

Mon premier amour était timide.

Un amour adolescent, mais pas moins puissant. On était tous deux si gênés que jamais je n’ai révélé mes sentiments, sauf une fois, durant un drame. L’amour agissait alors comme un baume et une relation n’était pas au tableau, puisque des questions vitales étaient en jeu. Une fois son deuil passé, celui que j'aimais s’en était allé vers une autre. Pas nécessairement dans cet ordre. Quand celui que tu aimes retrouve le sourire après avoir vécu de difficiles épreuves, le fait que ce soit avec une autre que toi a bien peu d’importance. Tu te réjouis de son bonheur, même si tu sais qu’il ne le partagera pas avec toi. Tu trouves un certain réconfort à faire la bonne chose, à agir de manière désintéressée. 

Mon deuxième amour était solide.

Une amitié transformée en amour profond et durable. Le genre de relation amoureuse qui élève les deux êtres. Jusqu’à ce que l’un des deux décide de battre des ailes plus fort, pour lui permettre de voler plus haut, au risque de tomber au sol. C’était un artiste. Je me souviendrai toujours du jour où j’ai réalisé qu’après avoir brillé pour moi, ses yeux brillaient maintenant pour son art. N’était-ce pas possible de nous aimer toutes deux en même temps? Moi et sa discipline artistique? Aimer, c’est vouloir que l’autre réalise ses rêves, vivre à fond ses passions et s’épanouisse. Même si ça nécessite que toi, tu survives seulement à ses côtés. Je ricanais en appelant la scène sa maîtresse. Puis, je pleurais en réalisant que c’était moi la maîtresse et elle, la scène, son véritable amour.

Mon troisième amour était aussi réel que les univers qui peuplaient ses histoires.

Je l’imaginais à mes côtés dans tous les moments importants de ma vie. E il était immanquablement absent dans tous les moments importants de ma vie. Je buvais ses mots comme personne dans les salles de ses spectacles. Je me surprenais toujours à croire à ses contes. J’encourageais les rencontres qui amélioraient son quotidien. Pour celui-là, j’aurais été jusqu’à célébrer leurs voeux si j’avais pu m’assurer que la fille qu’il voyait en même temps que moi allait l’aimer plus profondément que l’univers.

Mon quatrième amour m’a frappé sans que je m’y attende.

Je l'ai regardé et me suis immédiatement sentie à la maison. C'était lui et ce serait lui pour le restant de mes jours, m'étais-je dit. Je l’ai aimé sans limites jusqu’au jour où j’ai réalisé que je devais le quitter pour lui laisser l’espace nécessaire pour qu’il s’aime aussi. Je l’ai aimé suffisamment pour le quitter. Je l'ai aussi aimé suffisamment pour l'accueillir avec douceur quand il est revenu vers moi. Plusieurs fois. Et je l'ai aimé suffisamment pour disparaître de sa vie quand son amour pour moi a finalement complètement disparu de ses yeux.

Je n’ai jamais cessé d’aimer.

Je n'ai jamais quitté quelqu’un parce que ma source d’amour s’était tarie. J’ai aimé chacun d’entre eux jusqu’à la toute fin et plusieurs années plus tard ensuite.

Je pense que chacun de mes quatre amours m’a aimé aussi. Chacun à leur façon.

Je me suis suffisamment aimée dans chacun des cas pour comprendre que mon passage dans leur vie avait atteint sa date d’expiration. On sait tous que c'est facile, rester dans une relation périmée. Mais avouons-le, lorsqu’on le fait, ça laisse toujours un goût amer dans la bouche.

D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours cru en l’amour, mais il n’a jamais vraiment cru en moi.

Source de l'image de couverture : Unsplash
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