Je croule, je m’enfonce dans le sol.
Tout n’est pas ce qui était, ce que ça devrait être. Ne le prenez pas mal : non, je ne sais pas ce qui m’arrive présentement et ce que l’univers avait prévu pour moi. J’ai seulement la sensation qu’il n’y a aucun sens à ce que je vis intérieurement. De ce que je sais, je tente d’élaborer une route, un chemin droit. Pas de ceux qui zigzaguent et tourbillonnent. Mais rien n’est droit, rien n’est parfaitement linéaire.
Alors comment pourrais-je trouver le sens parfait à mon existence?
J’ai de la peine à concevoir quelque chose de ma vie sur terre. Les millénariaux commencent à fonder une famille, à se trouver un emploi stable.
Et moi?
Je divague dans la brume. Je compte les journées de vacances qu’il me reste avant de retourner sur des bancs à apprendre pour me préparer au monde du travail. J’enchaîne les années d’études, je prévois tant de plans d’avenir afin de repousser le jour J du plongeon dans le monde extérieur.
Je suis effrayée, mais qui ne le serait pas?
On passe une quinzaine d’années à s’asseoir et à apprendre. Puis bam, du jour au lendemain, sans être préparé, on tombe dans le travail. La production, la perfection, la monotonie. Une transition en est une lorsqu’on fait le tout lentement et graduellement. Mais ici, ça ne fonctionne pas comme ça.
Peut-être que ce que je dis n’a pas de sens, mais, pour l’instant, ça en fait pour moi. Je peine à comprendre les connexions dans ma tête. Je ne vais pas bien, non. Mais ça, on ne le dit pas. On ne le dit pas : on ment. On ment parce qu’on nous a appris que le monde s’empreigne d’un triste sourire au lieu de mettre son âme à nue. Parce qu’à fleur de peau, on brûle bien trop rapidement. On éteint nos émotions de même qu’on éteint la lumière du sous-sol en la passant de « on » à « off ». On croit qu’il n’y a rien de mal à cela, car c’est ce qu’on a toujours connu.
Et comment manquer de ce qu’on n’a jamais eu?
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Si je pouvais, je peindrais ce que je vois tous les jours et le montrerais au monde entier. Des schémas, des dessins, des lettres : tout ce que je n’ai pas été capable de dire lorsqu’on m’a demandé « Qu’est-ce qui va mal? ».
Parfois, on expérimente des moments où l'on ferme la porte au monde entier et même à soi-même.
On met dans un petit tiroir dans notre tête tout ce qui aurait pu provoquer des larmes, voire de la peur. On ne veut pas des émotions négatives. Pourtant, si elles sont là, c’est qu’elles ont lieu d’être. Mais la « normalité » est de sourire, produire et prospérer. Mais, pour l’instant, j’ai plutôt un goût amer au fond du cœur que l'on détruit plus que l'on bâtit.
Je suis romantique ce soir, peut-être trop pathétique. Je n’en sais rien. Je sais toutefois que, lorsque le monde entier se replie devant notre regard, c’est le temps d’aller voir ailleurs. J’ai bientôt 20 ans en vertu du temps que la Terre prend à tourner autour du soleil.
Dans mon cœur, c’est tout le contraire.
J’ai passé mon enfance à jouer à des jeux dont j’ai oublié le nom; passé l’adolescence à chercher une identité jamais trouvée à ce jour, à courir après les p’tits garçons et tenter de trouver ma place dans ce vaste monde. Non, les étoiles ne se sont pas alignées comme dans les livres; non, je n’ai pas trouvé le prince charmant comme dans les contes pour enfants.
Je suis à un millier de kilomètres de partout. J’ai fumé. Un peu, beaucoup, peut-être trop. Ça fait trop longtemps que j’ai quitté la maison : des milliers de jours, des centaines de mois, des années, je ne sais plus.
J’ai 19 ans, l’impression que le monde est, à la fois à mes pieds, à la fois hors de ma portée.
C’est ça que ça fait, la vingtaine?