Orgueil et préjugés: trois mots et un titre que nous connaissons, dont nous avons déjà entendu parler, de près ou de loin. C’est peut-être grâce à la lecture obligatoire à l’école qui fait que ces trois mots résonnent en nous quelque chose? Pour ma part, j’ai découvert ce classique un peu tardivement à mon goût. Ou bien c’est le charme de l’excellent film au titre éponyme de Joe Wright, avec la magnifique Keira Knightley et le solide Matthew Macfadyen, qui fait encore effet sur nous? Film qui fête d’ailleurs cette année son vingtième anniversaire. Le temps passe vite!

C’est un pari ambitieux que s’est donné l’autrice Rébecca Déraspe que d’adapter cette œuvre pour le théâtre. La tâche n’était pas du tout simple: comment reprendre cet imposant classique en ne s’éloignant pas trop du texte original, mais étant à la fois original?

La pièce reste globalement fidèle au livre: Elizabeth est toujours aussi pétillante et ancrée dans ses convictions, Fitzwilliam Darcy toujours aussi sobre (c’est vraiment le moins que l’on puisse dire), la famille Bennet d’une activité et d’une frénésie particulières qui rendent fou Mr Bennet. Et puis il faut se marier, toujours se marier, se marier à tout prix.

Car c’est bien là la plus grande différence entre la pièce et le livre, et même vis-à-vis du film. Bien que l’idylle naissante entre Elizabeth et Fitzwilliam est toujours le fil principal de cette histoire, et on le sent dès les premiers regards que les deux à devenir amoureux se portent l’un envers l’autre, et puis, lorsqu’ils nous regardent, nous spectateur, Rébecca Déraspe met également bien en premier plan toutes les particularités, et injustices, concernant les relations et positions sociales entre les hommes et les femmes, surtout à cette époque. Elle décrie la place de la femme  au foyer, la femme qui doit cuisiner, broder, faire le ménage, se marier, penser à sa dot, avoir des enfants et consacrer sa vie à les élever. La femme qui subit, et Elizabeth, qui ne veut se plier à aucune règle si ce n’est que celles que lui dicteraient son cœur.

La mise en scène qui accompagne la pièce est très bien pensée, originale et de bon goût, et Frédéric Bélanger, à qui on doit la mise en scène, reste dans la subtilité. Entre les robes et costumes du 19e, les salles du 20e et la musique et les danses souvent contemporaines en quelque sorte, les époques se mélangent sans que cela choque nécessairement, même pour les plus puristes d’entre nous. Les silences et les bruits de fond pour véhiculer des émotions plus intenses sont utilisés à propos.

Et par-dessus tout, et surtout contre toute attente et à notre agréable surprise, cette pièce nous enveloppe dans l’humour!

Les sujets sérieux et universels qui constituent la trame principale du récit et que nous pouvons ignorer, l’autrice nous invite à les considérer avec une légèreté calculée. Et ce, autant au niveau des répliques que des manières et de la gestuelle, du franglais parfois employé - on croirait parfois voir des adolescents de notre époque s’exprimer devant nous, des réactions plus qu’exagérées lors de certains moments. Une mention particulière à la très excellente Sandrine Bisson qui, à elle seule, mérite amplement d’aller voir cette pièce. Elle mêle humour et intensité, avec un charisme qui nous envoûte dès ses premières paroles sur scène.

Orgueil et préjugés est sans aucun doute un merveilleux investissement, une expérience théâtrale à ne pas rater, et pour laquelle je n’oublierai pas de sitôt. Avec près de deux heures de représentation, j’avais peur de trouver le temps long pendant celle-ci: non seulement je ne l’ai nullement vu passer, mais à la fin je n’en demandais qu’à en voir plus.

C’est avec brio que Rébecca Déraspe a réussi à relever ce défi d’adaptation de l'œuvre impérissable de Jane Austen.
Image de couverture de Victor Diaz Lamich
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