La vie suivait son cours, j’allais commencer le secondaire sous peu avec mes amies du primaire. J’avais hâte. J’étais loin de me douter qu’une journée ordinaire de magasinage avec ma tante allait transformer ma vie. C’était le weekend, nous avions du plaisir, j’étais dans la cabine d’essayage. J’en sors pour lui montrer ce que j’essayais, je tourne sur moi-même et ma tante a eu le réflexe de toucher mes omoplates. «Julie, il y a quelque chose de pas normal, tes omoplates ne se ressemblent pas du tout. As-tu parfois des douleurs au dos?» Et moi je réponds que c’est fréquent oui, mais que c’est possiblement dû à mon sac à bandoulière que j’utilise pour aller à l’école.
Elle avait cet instinct, ce sentiment que quelque chose clochait. Notre séance se termina alors abruptement et nous étions en route pour l’hôpital Ste-Justine la même après-midi. Après quelques tests, des radiographies et tout le tra la la, le médecin m’informe que j’ai une scoliose. Jusque-là, ça ne m’inquiète pas trop. Mais c’est à ce moment qu’il me précise que normalement la situation peut être remédiée avec le port d’un corset lorsqu’elle est détectée à temps, mais que malheureusement pour moi, le degré de déviation était beaucoup trop prononcé.
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Pour t’expliquer rapidement ce qu’est une scoliose voilà la définition : «La scoliose est dite "vraie" (ou structurale) quand une rotation est associée à la déviation latérale. Ce cas concerne une certaine proportion de la population générale (environ 4 personnes sur 100).»
La grande majorité des scolioses de l'enfance sont dites « idiopathiques », ce qui signifie que leur origine est inconnue, à la différence des scolioses secondaires qui sont dues à une anomalie neuromusculaire, une tumeur, un traumatisme ou une malformation vertébrale. La scoliose idiopathique est à différencier aussi de l'attitude scoliotique, ou scoliose posturale, qui ne comporte pas de rotation des corps vertébraux et qui se corrige en position couchée. Elle peut aussi être héréditaire. Dans la population, la majorité des scolioses sont légères (inférieures à 20°). Les scolioses moyennes et sévères ne concernent qu'un faible pourcentage de la population.
Pour te donner une idée, j’étais facilement en haut de plus de 30° de déviation. J’apprends alors à ce moment que d’ici un mois ou deux, je serai sur la table d’opération et que ça presse. Ce n’est pas comme si j’avais le choix. Le degré continuait d’évoluer et les risques étaient de plus en plus dangereux. Mon petit monde de pré-ado s’écroule. On me donne des livres beaucoup trop explicites pour me préparer à tout cela. Un livre qui contient des images d’un dos ouvert en entier retenu par des écarteurs en métal et la procédure y est expliquée. Je pleure ma vie. Je manque le début du secondaire, l’étape la plus importante dans cette transition et je sais que je devrai vivre toute ma vie avec des tiges de métal et des vis sur ma colonne vertébrale. Chaque jour, j’anticipais ce qu’il pouvait m’arriver. Je me souviens de ma mère et moi avions signé l’autorisation en prenant en compte le fait qu’il y avait un petit pourcentage de risque de paralysie. Disons que ça n’aide pas la panique d’une jeune fille de 13 ans.
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J’ai été chanceuse et pour une opération de cette envergure, ça s’est très bien passé. J’aimerais te dire que l’après était facile, mais ouf! Une des plus grandes épreuves de ma vie. J’ai eu mon congé de l’hôpital 10 jours après la chirurgie. Pour ceux qui vivaient la même chose que moi, il fallait au moins 14 jours avant d’avoir son congé. J’étais la superwoman de Ste-Justine!
Par la suite, j’ai perdu deux étapes complètes d’école et j’avais des professeurs qui venaient à la maison pour m’enseigner. Ma mère a quitté son travail pour s’occuper de moi. Elle n’a jamais bronché et elle a été d’une aide exceptionnelle, jamais je n’ai senti que j’étais un boulet pour qui que ce soit. Je suis retournée à l’école en milieu d’année, je n'avais plus d’amis, mais j'étais tellement reconnaissante pour tout ce que j’avais traversé. J’ai maintenant 31 ans. Le dos rempli de métal et j’ai fréquemment mal au dos, mais cela s’endure comparé à ce qui aurait pu m’arriver si je n'avais pas subi l'opération. Je saute en parachute et je vais à la Ronde comme n’importe qui d’autre. Probablement que sans cette opération, je ne serais pas ici pour vous raconter mon histoire. Oui cela a été difficile, mais ça en valait tellement la peine. J’ai une qualité de vie, je suis toujours là et je n’ose pas m’imaginer qui je serais sans cette expérience. Tout cela a forgé mon caractère et ma façon de voir les choses. Est-ce que je changerais quelque chose si cela était à recommencer? Jamais. <3