J’ai peur de me faire enlever un enfant. Depuis que je suis mère, c’est sans aucun doute ma plus grande crainte. Je sais que ce n’est pas rationnel. Mais je sais aussi que je ne suis pas la seule à avoir cette peur. Probablement tous les parents du monde ont, à un moment ou un autre, ressenti cette angoisse extrême en perdant de vue leur enfant seulement deux secondes. Dans un magasin, derrière une rangée de vêtements soudainement beaucoup trop longue, ou dans un parc, derrière un toboggan soudainement beaucoup trop gros. Ce serrement au cœur et cette panique incontrôlable que l’on ressent quand, tout-à-coup, on ne voit plus notre petit. Deux secondes de cauchemar. Deux secondes durant lesquelles on perd tous nos repères. Deux secondes où notre corps et notre cœur sont envahis de panique. Deux secondes qui durent l’éternité. Deux petites secondes et… Ouf! le revoilà. Il tourne le coin de la rangée. Il pointe son nez en haut du toboggan. Mais on se souviendra toute notre vie de ses deux petites secondes.
Pourquoi je vous parle de ceci, ici. Parce que j’ai mal au cœur depuis un peu plus d’une semaine. Parce que depuis un peu plus d’une semaine, le Québec cherche un jeune garçon de 10 ans. Ariel Jeffrey Kouakou. Parce que tous les médias doivent en parler. Parce que quand un enfant disparaît, le retrouver doit devenir la priorité de tous.
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Je ne connais pas cet enfant. Je ne connais pas sa famille. Mais j’ai sa photo en tête en permanence. Je le cherche des yeux dans le métro en ayant la triste impression que je ne le verrai pas. Je me couche le soir en me disant qu’une autre journée vient de passer sans qu’on l’ait retrouvé. Et je pense à ses parents. Ces gens qui sont anéantis par la peur, la tristesse, l’angoisse. Ces gens qui vivent depuis un peu plus d’une semaine dans une douleur infinie qui ne s’amenuisera pas tant que leur fils ne sera pas à nouveau dans leurs bras. Ces gens dont les pires deux secondes de leur vie se répètent en continuité depuis un peu plus d’une semaine.
Je voudrais les prendre dans mes bras. Je voudrais leur dire que je garde espoir pour eux. Je voudrais leur dire qu’ils occupent toutes mes pensées. Je voudrais leur dire que je comprends, même si je sais très bien que je ne comprendrai jamais parfaitement. Je voudrais enlever ne serait-ce qu’une infime partie de leur douleur. Je voudrais, par-dessus tout, qu’on leur rende leur enfant. Et je voudrais pleurer de joie avec eux quand ça arrivera.
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Je n’ai pas peur des accidents, des maladies graves, ni même de la mort. Mais j’ai peur de me faire enlever un enfant. Et en ce moment, Ariel est mon enfant. Il est notre enfant à tous.
Source image en couverture : Radio-Canada