Non, je ne me suis pas trompée. Ce n’est pas un gâteau quatre-quarts qui se trouve devant les yeux hébétés d’une jeune blonde égarée. Il s’agit bien d’un muffin (ou plutôt « moufflet », devrais-je dire, car l’Académie de la langue Française s’est chargée de renommer l’anglicisme à son plus grand soulagement) qui est planté devant moi. Nu et sec, le dit moufflet est la collation la plus santé (et non la moins chère) que je pouvais m’offrir dans ce mignon petit café du centre-ville.
Pour continuer dans le vif du sujet, où tu comprendras que ma vie est plus que palpitante, ce que je mange, ça me perturbe à tout coup. À moins, bien entendu, que mon repas soit constitué d’une salade, et/ou d’épinards, et/ou de brocolis (bref de toute chose verte et pas grasse), je suis anxieuse. Ce que j’ingère, tel ce simplet petit gâteau à la farine blanche et au sucre raffiné vieux de trois jours, j’en suis certaine, est la cause d’un réel malaise interne. En ce moment même, la simple vue de la chose provoque cet effet : rythme cardiaque qui s’accélère, sueurs, maux de ventre, pensées envahissantes, etc. Dans ma tête de fille avec trouble alimentaire, le petit truc sucré est énorme. Trop énorme pour mon ventre, pour mes cuisses sans fin. Malgré tout, la tentation d’ingérer le morceau de calories vides est trop forte et je m’apprête à le déguster. Enfin, déguster est un grand mot. Je n’apprécierai ce dessert que très peu et de façon très éphémère. Aussitôt en bouche, je vais me sentir coupable. Alors, déguster, je ne sais pas vraiment ce que c’est. Trop de malaise entoure l’action banale de manger. Donc voilà, pour me calmer, je coupe le dit muffin en quatre. Cela peut avoir l’air stupide, mais pour la majorité des personnes aux prises avec un problème alimentaire, notamment dans le cas de l’anorexie et de la boulimie, couper sa nourriture en plusieurs morceaux est assez commun. Et dans mon cas, comme pour d’autres probablement, cela procure une sorte de soulagement à la culpabilité. Irrationnel et tout mais bon. Première étape, donc : couper le gâteau en quatre à l’aide d’une petite cuillère. Ensuite, couper un quart en quelques petits morceaux épars. Prenez une première bouchée et puis savourez ! Répétez ces actions méthodiquement avec les trois autres gros morceaux et sentez en vous monter l’aigre saveur de la culpabilité.
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Tout ça pour dire que le muffin est supposé d’être un petit plaisir de la vie parmi tant d’autres. À la place, dans mon vocabulaire, c’est une « tricherie », « un mauvais aliment », « une chose qui va me faire grossir ». Ce n’est qu’un symbole pour montrer que tous les jours, j’ai, comme beaucoup d’autres gens, ce combat quotidien à gérer.
Une vie saine et équilibrée : oui, je le veux! C’est pourquoi j’encourage toutes les personnes qui, comme moi, souffrent de troubles alimentaires à se documenter sur le sujet, à aller chercher de l’aide. Ce n’est pas une honte de le faire. Avoir un support psychologique, c’est simplement un tremplin pour apprendre sur soi, sur ce qu’on vit et avoir des trucs pour vivre un quotidien plus sain et de meilleur goût. Dans tous les sens du terme.
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