Chaque mois de janvier, dans un cahier immaculé provenant du Indigo, j’écris mes résolutions pour la nouvelle année. Je fais partie du club de gens qui prennent leurs résolutions au sérieux (je fais même un signe de croix juste après les avoir lues tout haut, juste au cas où il y aurait bien un Dieu du vœu qui écouterait …). J’ai toujours l’air un peu fou le premier de l’an à trimballer mon carnet partout dans le chalet, à changer la couleur de mes crayons pour écrire les intertitres et à rouler des yeux quand mes oncles taquins me demandent : «qu’est-ce que t’écris ben dans ton p’tit journal?» Laissez-moi tranquille, m’a me tromper de couleur!
Cette année-là, pour moi, c’était encore plus spécial parce que 2015 avait été plutôt difficile émotionnellement et que je m’étais promise que 2016 serait mon année :
- avoir moins peur de «toute»
- faire confiance aux autres
- partir pour l’Italie
- me remettre en forme
- moins m’empiffrer
- boire plus d’eau
C’est comme ça que tout a commencé, je crois. Je suis partie pour l’Italie, pour trois mois, vivre avec une famille que je ne connaissais que par Skype. Je suis arrivée en sol européen le premier matin l’estomac en déferlante, l’cœur en tempête. Mon esprit essayait tant bien que mal de me faire croire que l’orage allait passer pis que bientôt, j’allais arrêter de me sentir l’être en ouragan, mais dès que je regardais mes mains, elles tremblaient... Au terminal, j’ai pleuré, dans l’avion j’ai pleuré, en arrivant j’ai pleuré, en m’endormant j’ai pleuré. Le lendemain, il faisait soleil je crois, j’ai ouvert mes volets et j’ai admiré Milan, belle, invitante, sophistiquée, noble et puissante Milan. Je suis allée dans la cuisine et j’ai «gossé» avec la machine Nespresso, puis je suis retournée sur le bord de ma fenêtre, j’ai écrit dans mon p’tit journal de voyage que mes amies m’avaient offert avant de partir et jai savouré le mélange brunâtre et amer qui était sorti de cette machine qui deviendrait, durant mon séjour, ma précieuse alliée.
J’ai dû faire confiance à des étrangers, moi qui ai toujours l’impression qu’on va me sauter dessus au moindre signe de négligence. J’ai dormi dans des chambres mixtes, déambulé en pleine nuit dans Rome, ivre, avec une gang de « poules américaines », repoussé les avances d’Australiens fêtards, mangé de la pizza à trois euros sur un banc public à Naples alors que les métros venaient de fermer, sillonné les rues de Milan assise à l’arrière d’un vélo détraqué, conduit par un Italien téméraire qui semblait avoir une très faible opinion du respect du code de la route.
J’ai écouté mon instinct et cette voix qui te dit : n’y va pas, il pourrait arriver… cette même voix qui d’autres fois me disait : envoèye ma fille, vas-y et amuse-toi. C’est grâce à elle si je me suis baignée, passé minuit, dans une mer noire qui m’effrayait tant, quelques minutes auparavant, avec mon nouvel ami canadien, après avoir admiré le coucher de soleil sur les Cinq Terres, une bière à la main, pour ensuite valser (tournoyer comme une folle en heurtant des passants) avec un Asiatique champion de danse sociale au milieu de la place publique de Levanto. C’est grâce à elle si je me suis baladée seule dans les rues de Florence à chantonner Moon River pour agacer les cohortes de touristes. C’est grâce à elle si je suis partie, moi qui avais peur de mon ombre à en courir, la clé à la main, chaque soir que je revenais à mon appart de Parc Ex, passé vingt-deux heures.
Des paysages à couper le souffle, j’en ai vus! Trop vite, trop lentement, trop comme pas assez. Ils nous apparaissent toujours comme un cadeau empoisonné. On le prend avec enthousiasme, mais on sait bien que ça ne durera pas longtemps et que pour ce bref moment, rares sont les fois qu’on l’appréciera à sa juste valeur.
Je me suis empiffrée au grand dam de ma résolution de janvier, empiffrée tellement que ma petite bédaine italienne est mon plus fier souvenir. Je n’ai pas fait de sport, je n’ai pas bu plus d’eau, mais je suis partie le cœur en vague… et je suis revenue le cœur en tsunami…
J’ai vécu durant trois mois dans un des plus beaux pays du monde, j’ai goûté la culture italienne sans fourchette, à pleine main et avec comme guide et complice une famille milanaise extraordinaire. J’ai fait confiance à une bande d’étrangers rencontrés dans les auberges de jeunesse, dans les restaurants, dans le train, tous aussi curieux et avides de vivre leur plus bel été et j’ose espérer qu’aujourd’hui, j’ai peur d’un peu moins «toute»!
À toi qui n’ose pas, qui regarde et rêve, janvier arrive bien vite, t’as des résolutions à prendre cher ami…
Peut-être qu’à ton tour, toi aussi tu t’assoiras tout sourire sur le bord de cette majestueuse fontaine de Rome hehe !