Traumavertissement: Viol, violence psychologique. Des ressources sont disponibles à la fin de l'article.

J’ai la sensation qu’on a joué de moi alors que j’étais encore désaccordée, pareil à un instrument de musique. La possibilité de créer de belles mélodies existait, mais l’impossibilité d’y parvenir était plus forte. Pourtant, il aurait fallu d’un peu plus de douceur, mais de la vraie douceur. Pas d’un homme qui fait semblant d’être doux alors que son sentiment d’infériorité masculine prend le dessus. Pas un homme qui, lorsqu’il possède une femme, suppose réellement qu’il la possède. J’étais fragile, je sortais d’une relation malsaine et il semblait doux. Un lecteur de livre féministe, rien de moins. Un lecteur aveuglé parce qu’il se pensait au-dessus des comportements masculins toxiques. Et pourtant, au lieu de jouer doucement de l’instrument, de prendre le temps de le comprendre, de l’accorder, de vérifier si les partitions étaient bonnes, il a préféré écouter sa propre musique à lui. Celle où la musique monte, augmente et prend en puissance. Celle où la gloire semble à portée de main, comme un champion, un besoin de performance au lit au lieu de comprendre que la performance existe seulement dans l’écoute, dans la fluidité et la synchronisation des corps.

Qui sont ces filles qui acceptent de dire qu’à elle aussi le son du NON a été muet, sourd, incapable de se rendre au grand pénis de monsieur? Pourtant, même dans une partition musicale, les silences font partie intégrante de la mélodie, du rythme et construisent la musique. Chaque fois où il a insisté, où il a outrepassé le non, où il a été beaucoup trop fort sans écouter mon corps et mes goûts, je continue de dire que chacune de ces fois n’étaient pas des agressions. L’ambiguïté peut-être trop grande. Et puis, assumer qu'il s’agissait vraiment de ça, serait d’avouer que malgré tout, j’ai pris trop de temps à partir.

Malgré les nausées qui restent, malgré ma libido partie, malgré mon propre dégoût de moi, de lui. J’ai envie de rejouer de mon instrument à ma façon, avec un musicien qui écoute pour de vrai et qui me comprend pour de vrai, sans ambiguïté, sans victimisation. Victimisation parce qu’après la fameuse fois de trop, cette fois qui reste figée dans mon corps et dans ma tête, cette fois qui est l’origine de la contraction constante de mes muscles pelviens… j’ai dû le rassurer. J’ai dû lui répéter que non ce n’était pas un violeur, non pas du tout un violeur. J’ai dû calmer sa colère parce qu’il était fâché du mouvement de dénonciation sur les réseaux sociaux, le rassurer que non, je ne le dénoncerais jamais puisque ce n’était pas un viol. Il n’avait pas entendu le NON, ni le non verbalement dit à trois reprises, ni le non muet de mon corps. Il a seulement entendu le oui que j’ai dit à force de son insistance. J’ai figé, le temps de trois ou quatre coups de bassin, puis je l’ai arrêté brusquement réalisant que non, mon consentement n’était clairement pas présent.

son mute consoleSource image Unsplash

L’ambiguïté était surement trop grande, ce n’était pas un viol, ce n’est pas un violeur, mais le résultat reste que j’ai de la difficulté à me sortir cet évènement de la peau. Néanmoins, le temps va passer et je continue de me convaincre que ce n’était pas si grave, pas si pire. Mon corps m’appartient, ma liberté encore plus. La liberté se trouve aussi dans le choix de percevoir les évènements de la manière qu’on le désire, de jouer de son imagination pour passer par-dessus les histoires plus difficiles qui nous construisent. Mon imagination est grande, ma joie de vivre est puissante, l’écriture est salvatrice et je sais qu’au final, peu importe, mon corps et mon histoire m’appartiennent.

Ressources

  • Besoin de soutien? Composez le 1-888-933-9007
  • SOS violence conjugale 1-800-363-9010
  • Pour les jeunes, il est possible de clavarder avec un professionnel de Tel-Jeunes par courriel, ou par téléphone en composant le 1-800-263-2266
  • Besoin de soutien juridique ? Communiquez avec JURIPOP  au 1-855-587-4767

*Note de l'équipe éditoriale: À la lecture du texte, nous considérons que ça semble, malheureusement, être un viol. On espère que de le publier aidera son auteur, ainsi que d'autres dans sa position, dans sa guérison.

Source image de couverture Unsplash
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