Moi, dans les ruines rouges du siècle c’est l’histoire d’un enfant, d’un adolescent et d’un homme, tout à la fois conjugué au présent dans un seul humain. C’est Sasha Samar et tous ses âges superposés alors qu’il raconte l’histoire de sa vie en Ukraine soviétique :

« L’histoire que vous allez entendre | Je ne sais pas pourquoi je la raconte | Peut-être d’ailleurs que je ne la raconte pas vraiment | Peut-être que c’est elle qui se raconte malgré moi | C’est donc l’histoire d’une vie qui va se raconter à travers moi | Et cette vie | C’est la mienne | Je suis né le 12 février 1969 en Ukraine soviétique. »

À 7 ans, le petit Sasha apprend que la femme qu’il pensait être sa mère n’est pas la sienne.

Son père l’a kidnappé alors qu’il était un bambin et a refait sa vie, loin de sa mère. C’est l’histoire lisse d’une famille tout ce qu’il y a de plus normale qui vole en éclat ce jour-là. À l’image du beau récit de l’Union soviétique, sans faille jusqu’à ce que s’insère un doute, une toute petite fissure. Une brèche pour entrevoir l’illusion. Et que tout parte en fumée.

Dans une mise en scène et un texte d’Olivier Kemeid, Samar rejoue et raconte sa propre histoire (ou plutôt se raconte-t-elle d’elle-même) avec, en trame de fond, un monde en changement qui a perdu ses repères.

Nadia Comăneci aux Olympiques, la mission lunaire de Gagarine, la Série du siècle au hockey, l’Armée rouge, Tchernobyl, la glasnost.

Un drame familial, le service dans l’armée, les premiers amours, les amitiés, les rêves, une quête identitaire.

Le tout petit dans le très grand.

Autour de Samar brillent Ludmilla (Sophie Cadieux), l’amoureuse passionnée qui croit aveuglément à la perestroïka, un père autoritaire, faillible, mais aimant (Jean Maheux), l’ami comédien (Geoffrey Gaquère) qui se plaît à incarner Lénine et réanimer son fantôme en prenant son visage au théâtre, la mère tendre disparue sans laisser de traces (Marie-France Lambert).

Le petit Sasha, dès lors qu’il apprendra la supercherie de son père, se mettra en quête de devenir célèbre, par le hockey ou le théâtre, afin que sa mère puisse le reconnaître à la télévision. La quête identitaire de Sasha entre directement en écho avec celle de son pays désillusionné après l’effondrement de l’URSS. L’homme et le peuple doivent se reconstruire après les ruines de la tragédie, historique ou personnelle. Sasha, autant que les habitant.e.s de l’URSS, se sont retrouvés malgré eux dupés devant un mensonge mis en place pour préserver un idéal.

Sasha Samar, comédien québécois d’origine ukrainienne, interprète son propre rôle à tous les âges, plaçant parfois un regard extérieur et lucide sur ce drame familial mettant en scène une grande humanité.

Moi, dans les ruines rouges du siècle est une histoire de personnes imparfaites, en conflit entre l’amour qu’elles se portent et leurs propres rêves, ambitions, désirs. Créée au Centre du Théâtre d'Aujourd'hui en 2012, cette troisième production de la pièce ayant pour principale toile de fond les dernières années de l’URSS propose une solide distribution renouvelée.

À voir jusqu’au 30 mars au Théâtre Duceppe.
Image de couverture via La Compagnie Jean Duceppe
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