C’est souvent en les regardant que ça se produit. Elles ont le don de me ramener à toi. Considérant qu’elles t’ont à peine connue et que ta présence aura seulement effleuré leur vie, c’est fou de constater qu’elles ont quand même la capacité de me rappeler à quel point tu me manques. Je n’ai qu’à les regarder, me remplissant de fierté, pour sentir cette petite pesanteur qui me coupe le souffle en se logeant près de mon cœur.

Elle me rappelle que jamais plus je n’apercevrai ton regard se remplir d’amour en regardant mes filles être seulement ce qu’elles sont... mes filles.

J’ai la gorge qui se serre pendant quelques secondes, des larmes se cachent derrière mes yeux et la tristesse m’effleure, me rappelant comme je t’ai aimée.

Maman, tu m’auras appris à pleurer.

Tu m’auras obligée à m’éloigner d’une colère qui occupait trop souvent la place. Celle qui refusait de laisser une parcelle d’espace à cette peine qui peinait à se faire ressentir. Cette colère qui me servait de carapace, d’armure, de voile et qui empruntait le temps à une tristesse qui aurait voulu se faire consoler.

Ma colère, même bien aiguisée, ne pouvait gérer le fait que tu n’étais plus là.

Elle pouvait rager contre la maladie et s’impatienter contre le temps qui devait nous aider, mais elle a été forcée d’abdiquer contre le vide que tu venais de provoquer. Maman, tu m’auras appris à pleurer. Tu m’auras appris que même lorsque je suis triste, il n’y a pas de malheurs assez grands pour m’empêcher de me relever. Tu auras été ma plus grande épreuve... mais de cette épreuve, je serai devenue la plus grande version de moi.

Le temps me ramène à toi lorsqu’il me rappelle que tu es morte... il y a bientôt 4 ans.

Lorsqu’il me rappelle qu’à cette époque, je te rendais visite dans l’attente que la mort vienne effacer le brouillon de toi que tu étais devenue. Tu ne disais plus grand-chose, mais, de tes yeux souffrants, je comprenais que ta maladie était beaucoup plus tragique que la fin qui s’approchait. Puis, tu as cessé d’ouvrir les yeux et ta main n’arrivait plus à serrer la mienne. La vie ne t’abandonnait pas encore, mais la mort avait pris toute la place, me laissant la tristesse comme seule alliée.

Mes filles me ramènent souvent à toi et j’espère qu’elles continueront de le faire.

Elles vieilliront en entendant parler de ta personne et lorsque des larmes se cacheront derrière mes yeux, je pourrai leur dire que c’est toi qui m’as appris qu’être triste n’a rien de si effrayant.

De toutes ces fois où tu m’as réconfortée en me disant que rien n’arrive pour rien, je n’ai d’autres choix qu’admettre que tu avais raison. La tristesse me ramène à toi et je réalise que c’est parfait ainsi.

Elle me rappelle la chance que j’ai eu de t’avoir dans ma vie et m’oblige à apprécier ce que cette vie est devenue sans toi.
Image de couverture de Jon Flobrant
Accueil