Je marche dans la rue avec ma poussette. Tu dors paisiblement à l’intérieur.
Je porte un chandail de laine et une casquette pour cacher mon visage. J'ai un café à la main. En apparence, j’ai l’air d’une maman paisible. Sous ma casquette, les larmes ne cessent de couler. Je regarde les feuilles d’automne balayées par le vent que des enfants tentent d’attraper.
Ce matin, j’ai l’impression de devoir faire la même chose avec mon cœur de maman. Ramasser les morceaux, les miettes qui semblent ne plus vouloir se recoller comme avant.
En fait, je pense qu’il ne sera plus jamais tout à fait le même, mon coeur.
Il fait soleil aujourd’hui. J’ai l’impression que c’est arrogant de la part de l’univers de permettre une si belle journée. Un ouragan ou un raz de marée aurait été plus propice. Plus en cohérence avec mes émotions et ma vie depuis hier. Je vais te raconter la journée d’hier, mon cœur.
Tu vas mieux comprendre.
Source de l'image : MC Photographe
Hier, nous étions le mercredi 6 octobre 2021. Tu as officiellement 8 semaines.
Je suis assise près de l’homme le plus merveilleux de la planète. Ton père. Tu es dans mes bras, presque endormis. Nous faisons face à la pédiatre qui te suit depuis ta naissance. C’est un rendez-vous de suivi. Depuis ta naissance, tu es petit et tu as dû passer plusieurs tests.
Les résultats sont arrivés.
La vague du raz de marée, dont je te parlais tout à l’heure, frappe pour la première fois au moment précis où elle nous fait la grande annonce. Les tests génétiques ont révélé une maladie chez toi. Le syndrome de Williams.
À partir de là, elle explique les symptômes et ce que ça implique. Ton père est attentif et pose des questions. Je suis ailleurs. Je suis assise sur cette chaise, mais pas vraiment. Le syndrome de Williams. Le nom de cette maladie semble gentil, que je me dis. Peut-être que ce n’est rien de bien grave?
Au fil de ses explications, je comprends que notre vie vient de changer et que mon cœur de jeune maman vient d’éclater.
Tu as deux mois, tu es tout petit et pourtant, j’ai l’impression que tu deviens soudainement plus lourd dans mes bras. Alors que les larmes commencent à couler sur mon visage, ton papa te prend de mes bras.
Il voit. Toujours. Il sait que ce sera difficile pour moi de rester calme.
La pédiatre nous explique les prochaines étapes et ce que nous pouvons faire aujourd’hui comme tests supplémentaires. Elle nous conseille aussi de ne pas aller sur Internet. Question de ne pas se faire peur inutilement ou de s’inquiéter outre mesure avant de rencontrer la généticienne qui pourra nous expliquer cette maladie rare. Parce que OUI ! Tu es celui qui a gagné à la loterie de la vie, mon minou. Tu as officiellement une maladie qui atteint que très peu d’enfants.
La seconde vague du raz de marée me happe un peu plus tard.
Alors que je te console dans une chaise berçante de l’hôpital. Nous attendons un autre spécialiste qui viendra te faire un énième test. J’ouvre mon cellulaire et fais exactement ce que la pédiatre nous a déconseillé de faire. Je consulte Internet pour savoir quelle vie tu auras, mon bébé. Et c’est à ce moment que je réalise l’ampleur de ce qui nous attend.
Nous, notre petite famille de trois toute neuve.
Pendant la nuit, mon cœur de maman continue de s’émietter alors que nous parlons avec nos parents. Alors que nous lisons un peu plus. Alors que nous nous projetons dans l’avenir. Je regarde ton petit visage que j’ai admiré chaque jour depuis ta naissance. Tes traits qui me semblent les plus mignons de la planète. Je cherche les indices de cette maladie. Comme si, pendant la nuit, elle était discrètement passée pour y laisser sa trace. Doucement, sans que je ne puisse rien y faire.
Ce matin, il fait soleil.
Les vagues vont pourtant continuer de nous atteindre, ton père et moi. Je le sais. Je le sens. Je remercie le ciel de me permettre d’affronter cela avec lui. Nous en savons encore peu sur ta maladie, mon cœur. Mais je te promets que nous ferons tout ce qu’il faut pour t’accompagner dans cette vie qui ne t’a déjà pas épargné. Nous recollerons les morceaux ensemble, mon tout petit bébé. Un à la fois s’il le faut.
- Ta maman