Nous avons commencé à expliquer comment le développement de la psyché humaine passe par trois grandes étapes développementales, soit l’attachement, l’estime de soi, et une dernière étape appelée Éros-Éthos qui est en lien avec l’amour et la sexualité.
Rappelez-vous que selon la théorie de la PGRO (Psychothérapie Gestaltiste des Relations d’Objet), ce qui est inachevé au niveau de ces trois enjeux tend à vouloir se compléter dans nos relations actuelles. Ce qui veut dire que notre développement comme enfant a un impact important sur nos relations en tant qu’adulte. Nous allons nous centrer ici sur la dernière étape du développement, selon la théorie de la PGRO, soit l’enjeu Éros-Éthos, qui se passe autour du complexe d’Œdipe, donc habituellement entre l’âge de 3 et 6 ans. Le conflit œdipien est une théorie de Freud, qu’il a élaborée au début du XIXe siècle, selon laquelle l’enfant va développer une attirance pour le parent du sexe opposé, mais l’enfant va aussi comprendre que c’est interdit.
Cela va de soi que cette théorie est hétéronormative, ayant été publiée il y a plus de 100 ans, mais il y a des éléments intéressants dans lesquels puiser pour comprendre la psyché humaine. C’est une théorie bien connue sur laquelle vous trouverez facilement beaucoup d’informations, toutefois les subtilités pour l’appliquer à la réalité et à la diversité de notre époque sont plus complexes à résumer en quelques lignes. Nous nous concentrerons donc ici plus sur les acquis de cette période développementale, que sur la manière dont elle se déroule.
L’étape développementale Éros-Éthos est une période où l’enfant fait face à des interdits .
Il comprend qu’il ne peut réaliser tout ce qu’il veut. C’est ainsi que s’établissent les bases d’une morale, d’une éthique. L’enfant va apprendre à négocier la tension entre le plaisir et la loi. Plus largement, le duel entre ce qu’il veut et ce qu’il peut.
Pour que l’enfant traverse cette étape de manière saine l’enfant doit rester l’enfant du couple et ne pas remplacer un parent, ou faire en sorte que l’autre parent est exclu d’une dyade fusionnelle parent-enfant. Il est important que l’enfant sente que le parent pose un regard acceptant sur lui et lui envoie un message ni punitif ni dégradant face à la sexualité, tout en expliquant à l’enfant que ce sont des gestes agréables quoique personnels et intimes qu’il peut poser seul, dans l’intimité de sa chambre.
L’enfant doit se sentir vu et beau dans le regard bienveillant du parent posé sur lui, mais surtout non sexuel. Le parent doit donc reconnaître la séparation avec l’enfant, le voir se développer sexuellement et se retirer. Le laisser explorer ceci en dehors de l’unité familiale et donc le laisser prendre de la distance d’avec ses parents.
Quand cet enjeu ne se passe pas bien:
C’est la capacité de la personne à s’accomplir comme personne sexuelle ou sexuée qui est mise en péril. Au niveau des facteurs de risque, de façon évidente, si l’enfant est un confident ou un thérapeute pour son parent ou encore le parent de son parent, ça peut être problématique. Évidemment, toutes les ambiances développementales où les limites au niveau de l’affection et de la sexualité de l’enfant n’ont pas été respectées sont dommageables. Ces situations pouvant aller d’un parent qui force l’enfant à donner ou recevoir les bisous ou des câlins lorsqu’il ne veut pas, jusqu’au drame de l’abus sexuel dans l’enfance.
« Aussi, toutes les atmosphères où la sexualité de l’enfant a pu être punie, humiliée ou ignorée peuvent constituer des facteurs de risque. »
Ce qui est au cœur des enjeux Éros-Éthos est la capacité et le consentement à être désirant, désirable au sein de nos relations. C’est tout ce qui concerne les rapports avec les personnes du même sexe et de l’autre sexe. C’est notre capacité à vivre les interdits, la frustration qui vient avec certains sacrifices qu’on fait pour des raisons morales ou éthiques, c’est aussi la capacité à jouir des gratifications possibles associées à la séduction, l’amour et la sexualité.
Au cœur de cet enjeu se trouvent les questions suivantes :
- Comment est vu la sexualité, le plaisir, le laisser-aller ?
- Est-ce qu’il est acceptable de rechercher du plaisir dans l’affection et la sexualité ?
- Comment est-ce vu d’être ludique dans la séduction et la sexualité ?
- Comment sont gérés les interdits ?
- Êtes-vous attiré(e) par des personnes qui ne sont pas disponibles ou par les interdits ?
- Avez-vous tendance à « flirter » avec les limites ?
- Avez-vous tendance à être infidèle ?
Des difficultés conjugales peuvent émerger en lien avec cet enjeu sous différentes formes. Par exemple, il est possible que les partenaires aient des difficultés à trouver des moments qui conviennent à tous les deux pour faire l’amour. En effet, de façon inconsciente, un partenaire pourrait avoir tendance à choisir des moments où l’autre n’est pas disponible pour la sexualité pour tenter des avances sexuelles, l’emmenant ainsi à se sentir frustré et rejeté sexuellement, un peu comme l’enfant qu’il était a pu se sentir rejeté face à ses propres caractéristiques sexuelles par ses modèles parentaux.
D’autres pourraient avoir tendance à parler ouvertement de la sexualité du couple ou à faire des caresses déplacées en public, sans égard au malaise de leur partenaire, causant des conflits. C’est un exemple où nous pouvons imaginer comment dans l’histoire développementale de cette personne, les limites de ce qui était acceptable ou pas n’étaient pas claires, et qu’aujourd’hui, ces limites sont encore floues, donnant lieu à une reproduction de situations passées avec ses parents, mais avec son ou sa partenaire actuel (le).
Certains pourraient avoir des réticences
Des réticences à s’engager dans des jeux sexuels, à se donner le droit d’être une personne sexuelle et d’avoir du plaisir dans la sexualité, emmenant le couple à ne pouvoir s’épanouir pleinement au niveau de la sexualité. On pourrait voir ce type de réactions chez les gens qui n’ont pas eu d’éducation sexuelle et pour qui la sexualité était taboue ou mal vue par leurs figures parentales ou des figures d’autorité. D’autres éprouveront le désir de braver des interdits dans la séduction et la sexualité, ce qui pourrait être vécu comme une trahison par la personne qui est trompée et le découvre ou l’apprend après. Certaines personnes auront des difficultés à s’engager en relation parce qu’ils ont besoin de séduire, d’accumuler les conquêtes, plutôt que de s’investir au sein de leur relation amoureuse. S’engager auprès d’un(e) partenaire, c’est faire le deuil de toutes les autres relations possibles.
Encore une fois, même si nous connaissons bien nos habiletés de communication, il se peut qu’inconsciemment, des blessures du passé viennent influencer l’amoureux (se) et l’amant(e) que nous sommes en relation et nous emmener à nous mettre les pieds dans les plats. Nous vous invitons de nouveau à vous questionner sur la façon dont votre passé a influencé votre vision de vous-même, ce qui vous attire chez l’autre, sur votre choix de partenaire amoureux, sur le respect ou pas des interdits, sur la façon dont vous manifestez votre affection et la façon dont vous vivez votre sexualité.
Dre Aline Gauchat, Ph. D., psychologue
Dre Nathalie Gauthier, Ph. D., psychologue