Lettre ouverte : Maman, je me souviens

*Le nom de mon frère sera désigné par Bobby

J’ai beau chercher très profondément dans mes souvenirs, je ne me souviens pas d'avoir vécu de beaux moments avec toi. Sauf les fois où j’embarquais derrière ton vélo et que l'on allait se promener.

Toutefois,

Je me souviens clairement de la fois où tu as appelé la DPJ devant moi pour leur dire « Venez la chercher sinon je vais la tuer ».

Tu aurais pu aller faire cet appel en privé, un enfant n’oublie jamais des paroles comme celles-là…

Je me souviens de quand je disais “fox” pour que tu penses que je disais « fuck” . Dans ces moments-là, tu me piquais la main avec ta fourchette en guise de réprimande et d’autres fois, tu me lavais la langue avec du savon.

Tu sais, des mots, ça ne se « nettoie » pas

Je me souviens de l’instant où tu as commencé à me mettre propre, tu pouvais me laisser pendant des heures sur le petit pot.

Pour éviter de nettoyer un possible dégât, j'imagine.

Je me souviens d’un matin où je n’avais pas fini mes cornflakes. Tu les avais mis au frigo pour ensuite me les redonner pour le dîner. Bien évidemment, je n’ai pas voulu les manger alors, j'ai “passé en dessous de la table”

Aurais-tu mangé des céréales molles toi !?

Je me souviens que je n’aimais pas les champignons, lorsqu’il y en avait dans mon assiette et que je ne les mangeais pas, je n’avais pas de dessert
Pourquoi, mon Bobby lui avait droit au dessert alors qu’il ne les mangeait pas non plus.

Je me souviens de mes punitions à genoux dans le coin, tantôt sur un manche à balai, tantôt avec des boîtes de conserve dans les mains que je devais garder en hauteur.

Tu mettais même une tasse d’eau au four à micro-ondes pour calculer mon temps. Quelle ingénue !

Je me souviens une journée en particulier où mon enseignante de maternelle t’avait appelée parce que j’avais eu un mauvais comportement. En arrivant à la maison, tu m’as envoyée directement au lit.

Je ne méritais même pas un petit souper ?

Je me souviens de toutes les fois où toi et papa mettiez le divan dans le cadre séparant la cuisine du salon pour littéralement vous battre. La table revolait pis toute.

Vous vous parliez même en anglais pour que l'on ne vous comprenne pas.

On comprenait quand même assez vite quelle allait être la suite des choses, lorsque vous vous lanciez des « fuck you » en hurlant.

Je me souviens, pendant une altercation, tu avais tailladé la main de papa avec un couteau. Il saignait.

Bobby a eu tellement peur qu’il a appelé la police.

Je me souviens lorsque j’étais en famille d’accueil et qu’il y avait un calendrier de visite à respecter. Alors que tu n’avais pas le droit, tu venais tout de même me chercher à l’école pour me rapporter chez toi. Mon travailleur social devait donc venir me chercher pour aller me reporter en famille d’accueil.
Sais-tu ce que je pouvais ressentir lorsque je devais te quitter ?

Je me souviens, les week-ends que je passais avec toi ; il était rare que je les passe au complet. Soit, tu venais me chercher et tu repartais sans moi parce que j’avais dit quelque chose qui t’avait déplu. Ou bien au milieu du week-end, je devais retourner dans ma famille d’accueil parce que tu ne me supportais plus.

Je me souviens une fois où tu as décidé de repartir sans moi, parce que j’avais pris ton ‘’lypsil’’ et je ne te l’avais pas redonné comme demandé. Je me suis barricadé dans ta voiture, refusant d’en sortir. Je voulais vraiment partir avec toi.

Tu es finalement reparti sans moi.

Je me souviens qu’il y avait une heure définie à laquelle tu pouvais m’appeler

J’ai souvent attendu tes appels qui ne venaient pas.

Toi, de quoi te souviens-tu ?

Image de couverture de David Streit