Ma grand-mère disait qu’avoir les pieds froids était dû à une mauvaise circulation sanguine. C’est le coeur qui a de la difficulté à faire circuler le sang dans toutes les parties du corps, ce qui entraîne ce phénomène physique.

J’me souviens que tu m’as déjà dit avoir horreur des pieds froids.

« On jurerait des pieds de morts! »

On ne se connaissait pas tant nous deux, depuis six mois à peine, mais ça a tout de suite cliqué. On s’est rencontré par des amis communs, lors d’une soirée. Je doute même que nos intelligences émotionnelles y soient pour quelque chose.

C’est par une chaude et étouffante journée d’été que tu t’étais confiée.

Il faisait plus que chaud. Probablement plus de 30 au-dessus de zéro. On jasait de tout et de rien, entre autres des pieds. Beaucoup diront que c’est insupportable. La température, pas les pieds. Moi, j’ai tendance à penser qu’on attend ça une bonne partie de l’année. Y'a tellement de façons de se rafraîchir, il ne faut que trouver la tienne, celle qui va te convenir.

C’est comme ça depuis qu’on est enfant, y'a rien de surprenant. 

Chialer qu’il fait chaud par une belle journée d’été, c’est comme de compter les billets de mille piasses que tu viendrais de gagner en disant: «C’est l’fun, mais ça salit les mains.» Trouver l’imparfait dans le parfait, c’est si facile pour certains.

Mais pas pour toi. 

Toi qui souris pour tout et pour rien ; du bonheur immense jusqu’au truc le plus anodin. Pourtant, le bonheur n’a jamais habité près de chez toi et encore moins ton voisin. Tu sais ce que c’est que le malheur, le vrai, pour l’avoir côtoyé cent fois.

Tout y est passé. La violence, la maladie, l’agression, le rejet.

Tu t’es battue. Tu combats encore, le match n’est pas terminé. Le sera t-il un jour? que tu te mets à penser. T’en as passé des nuits éveillée à te demander ce que t’aurais pu changer.

Et si t’avais pas eu ces sentiments au premier rendez-vous? Et si tu t'étais fermée la gueule? Et si t’avais tout donné?

Et si…et si…

Mais malgré tous les coups que t’a endurés, personne n’a été plus dur avec toi au courant de ta vie que toi-même. 

Mais t’es encore là aujourd’hui, droite et debout.

Tu sens encore parfois tes jambes qui veulent fléchir à la moindre adversité, mais c’est alors que tu te rappelles par où t’es passée. Tu continues. Fière et forte.

J’aimerais te dire que beaucoup de gens devraient prendre exemple sur toi mais j’en suis incapable.

Incapable car tu le dis haut et fort que tu ne veux pas voir de pitié dans les yeux des autres. Chacun supporte les obstacles qui leur rentre dedans différemment. On se surprend soi-même à surmonter des montagnes, alors que pour une raison qu’on ignore, la moindre embûche nous fait craquer. Sûrement car il est possible de se blesser avec une feuille de papier, alors qu’on peut se sortir indemne d’une chute de trois pieds.

T’as toute mon admiration, même si elle demeure silencieuse. Peut-être qu’un jour je te la dévoilerai. J’attendrai sagement que tu sois en âge de bien mesurer l’ampleur de ma fierté pour toi, mais d’ici là, tu pourras quand même toujours compter sur moi.

Je te souhaite de continuer de grandir et de te développer sans trop de coups dans les flancs, ceux-là même qui parfois essaient de te convaincre d’abandonner. Faut pas lâcher.

On a tous nos combats.

Continue malgré tout de nager dans l’creux, c’est là que tu prendras des forces et apprécieras davantage les moments de relaxation sur le rebord, avec les cheveux bien au sec et tes pieds se balançant. Ce rebord qui, malgré le fait qu’il n’est pas impressionnant, sans houles ni vagues, te procurera d’aussi fortes sensations qui seront surtout hors de danger. On peut vivre passionnément dans le calme et la douceur.

Puis, le jour venu, lorsque ta marée intérieure se sera calmée, tu rencontreras l’homme de ta vie. Celui qui ne pourra pas effacer ton passé et tes tracas, mais qui les atténuera. Il saura t’apaiser par ses mots et te faire fondre d’un seul regard. Il aura toutes ces qualités que tu auras longtemps recherchées. Du matin au soir, les rires, les caresses et les mots doux surgiront de partout. Puis, comme dans toute relation saine, des sujets chauds et délicats se pointeront sur le tapis, vous trouverez la façon d’y remédier sans qu’il n’y ait de pots cassés.

Tu trouverais ça beau juste d’y penser.

Tiens, le mercure a depuis baissé frôlant maintenant, la nuit venue, le 15 degrés. Beaucoup dirons qu’enfin, c’est la température idéale. Nuit fraîche, meilleur sommeil. D’autres diront que c’est pas possible de dormir lorsque c’est frisquet. Mais bon, y a tellement de façons d’y remédier, t’as qu’à trouver la tienne, celle qui va te convenir.

Avant de se quitter, tu m’as lancé: « Est-ce que tu crois que je saurai à nouveau aimer? »

Puis c’est là, tout bonnement, que j’ai décidé de te dire quelque chose comme ça :

« Crois-moi jeune femme, un jour, ton coeur sera raccommodé sans qu’on ne voit les fils dépassés. Tu trouveras ton idéal. Celui-là même à qui tu n’auras qu’une chose à reprocher, une fois bien emmitouflés au creux des draps : le froid de ses pieds. Y'aura rien de parfait, que tu te diras. 

Tes yeux se sont illuminés.

Puis, à bien y penser, par où t’es passée, tu y rêves déjà à en frissonner. Tu t'imagines, souriante, à aller les lui réchauffer sans attendre...

Source de l'image de couverture : Pixaday
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