Novembre 2022. Plus exactement le 12. Grand-papa Paul est décédé d’un AVC, ou ACV (qui utilise le bon terme sans jamais se tromper ?) aux soins palliatifs de l’Hôpital Le Gardeur à l’âge vénérable de 89 ans et 7 mois. Entouré de ses filles, de son fils, et de mon père qui l’ont veillé sans arrêt.

Trois jours interminables à entendre une respiration sifflante et à avoir le cœur qui fait dix tours chaque fois qu’il prend une pause de vingt secondes. Il s’en va tranquillement, on le sait.

Tellement de douceur, d’amour et de résilience à travers les murs de cette chambre qui sera la dernière.

Je me rappelle comme si c’était hier. Mon cellulaire à la main et ma tête couchée sur son épaule. J’ai fait jouer une de ses chansons préférées de Gigi, « L’essentiel ». J’aime croire qu’il la chantait avec moi en silence, au rythme des larmes humides qui défilaient sur mes joues.

Au mur du fond, il y avait une peinture représentant un voilier voguant sur un océan calme.

Était-ce un pasteur ou un facilitateur de l’Au-delà qui est venu s’asseoir au chevet de mon grand-père pour nous chanter son histoire ? Honnêtement, le terme exact m’échappe, mais ce qui s’est passé dans cette chambre à ce moment précis est surréel.

Au rythme des premiers versets, tous en chœur, ma famille s’est mise à chanter cette mélodie des derniers adieux. Le cœur en mille miettes et spectatrice de cette douleur crue, j’aurais aimé en connaître les paroles pour qu’au moins, je puisse moi aussi chanter la douleur qui m’assaillait.

L’ambiance apaisante qui régnait à cet instant précis était tellement emplie de sérénité.

La mort imminente permet toutes sortes de choses. Des choses pour lesquelles on n’aurait jamais cru possible. Des regrets sur les non-dits, des demandes de pardon.

Au terme de trois décennies de déni, ce fils a fait face à mon père, les yeux dans les yeux. Par un regard profond et rempli de regrets, le moment était venu d’expier ses fautes. D’enfin, assumer ses actes. D’assumer le mal qu’il m’a fait, qu’il a fait à mes parents. De l’innocence envolée, arrachée sans droit.

Est-ce que ça pardonne tout ? Est-ce qu’on oublie? Non, mais ça rend les choses plus faciles à accepter, moins lourdes à supporter.

J’ai trouvé la clé de ma liberté, il n’y a pas si longtemps. (est-ce qu’il va me rembourser mes frais de psy?) La boucle s’est bouclée ce soir-là. C’est tout ce qu’il manquait pour avancer. Même si ça a été fait indirectement. Je l’ai accepté.

Merci, Grand-Pa. Merci d’avoir permis à ta petite-fille de faire la paix avec toute cette histoire.

D’oublier la noirceur qui refaisait surface de temps en temps, sans que je m'y attende. De m’avoir permis de continuer mon chemin sans boulet à traîner.

Je ne m’accrocherai plus dedans, promis !
Image de couverture de Rafael Garcin
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