On vieillit.

Je vieillis.

C'est tout à fait normal.

Mais y'a des moments qui arrivent qui nous le font ressentir davantage.

Comme la semaine dernière.

Alors que je dormais paisiblement à poings fermés (c'est beau l'image hein?), j'ai entendu du bruit chez moi en pleine nuit.

Mais j'me suis vite rendu compte que c'était mon gars qui revenait, qui entrait.

"Ah oui. C'est vrai. Il est allé souper à L'Atelier avec "du monde d'la job", que j'me suis souvenu à 1h30 du matin en pleine noirceur."

Faque rendors toi Pat.

(Essaye sur le côté. Essaye sur le dos. Essaye sur le ventre. Réessaye sur le côté.)

Rien à faire. Fait chaud. Pas d'air clim, me disant depuis un mois que les journées humides allaient se calmer les nerfs.

(C'est pas arrivé encore esti. Au point que ça me fait pogner les miens.)

Faque en pas long chu aussi éveillé que s'il était 10h20 après une nuit de sommeil de 12 heures.

J'me lève. Question de changer de mood.

Je monte à l'étage, les yeux encore collés.

Pas pour très longtemps...

Les yeux ont beau pas être à leur top, j’vois ben que ce que je vois m'était inconnu jusque là. Jusqu'ici.

Des Docs Martens.

Noirs. Somme toute de petite taille et toute menue. De petite taille comme dans le sens de "de fille".

OSTIIII!!!

Y a la gente féminine dans mon domicile!!!

Bon ok, ressaisis-toi que j'me dis. Y s'est passé 19 ans depuis qu'il avait du placenta séché sur lui. Évolue, son père.

Mais quand même. On est jamais réellement prêt à ça. On l'est?

Je n'étais pas prêt à ça. C'est de même. Certains comprendront.

Mais yé 1h40 en pleine nuit donc c'est pas là que visiblement je vais m'y faire, pis encore moins le temps pour des présentations!

Quoique...

Nan.

J'ai pris un grand verre d'eau. Je suis retourné m'étendre. J'ai navigué sur mon cell à la recherche d'une nouvelle encore plus surprenante que celle-ci, mais c'était impossible pour l'instant, pour le moment.

J'me suis finalement assoupi après au moins une bonne heure. Puis j'me suis endormi.

Le matin est arrivé. J'ai travaillé comme à l'habitude. On était en semaine.

J'étais toujours aussi surpris mais avec en prime un p’tit sourire coquin.

Ce n'était pas un rêve. Les Doc étaient toujours bien en place, là, dans l'entrée.

Doc Martens soulier
Source image: Patrick Laperriere

Les années avaient passé sans m'aviser.

On vieillit.

Je vieillis.

C'est tout à fait normal. Mais c'est juste que je n'avais pas imaginé ça comme ça. J'avais rien imaginé en fait.

Mais bon, mon fils grandit. Mon fils vieillit. Il évolue. Beau comme un coeur, y a encore moins rien de surprenant qu'on en soit là.

Pis même si en pleine nuit j'avais le goût de crier "FAUX FREE!! J'ÉTAIS PAS PRÊT!" comme lorsque j'avais 8 ans pis que j'me faisais trouver à la cachette avant même que j'aie eu le temps de me cacher, c'est pas de même que ça marche.

Je n'ai trouvé que le moyen de sourire. Mais bien au-delà de l'écrit, de jour en jour, il m'inspire.

Le temps passe sans qu'on s'en aperçoive parfois.

Souvent.

Puis vers midi, elle est apparue. Une belle grande jeune femme qui a enfilé ses Doc.

Ils se sont collés.

On n'a pas pu se saluer car j'étais distrait au téléphone avec un client.

Puis comme le temps qui passe, elle est partie.

J'ai souri à nouveau.

J'ai ri comme on rit lorsque quelque chose est plus grand que nous, que quelque chose nous dépasse.

J'avais moi-même 19 ans à nouveau.

Mon gars a refermé la porte derrière elle.

J'avais raccroché.

Puis il s'est retourné vers moi avec un sourire grand comme on peut s'imaginer facilement un grand sourire.

"Elle s'appelle Émilie. On se fréquente depuis trois semaines!"

Son visage est rapidement venu calmer mes pensées de papa coq qui voit son poulet encore comme un poussin.

Comment ça aurait pu être autrement en le regardant.

Y a des moments qui arrivent qui nous le font ressentir davantage qu'on vieillit.

Mais peu importe ce que ce sera ensuite, j'ai vu mon p'tit garçon bien heureux et fier devant moi.

Voyez. Le papa coq le fait encore.

"Mon ti-gars..."

Mais malgré tout, à bien y penser, j'aime bien croire qu'ils restent pour toujours nos p'tits bébés. Des p'tits bébés qui deviennent de jour en jour plus adulte devant nos yeux, à la seule pensée de les voir évoluer.

Même si ça implique de vieillir en les contemplant grandir.

Source image de couverture: Unsplash
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