Ça fait quelques jours que j’ai perdu la notion du temps. Je ne me préoccupe plus des semaines, des jours, des heures ou même des secondes. Quelques fois, j’ai l’impression qu’ils se confondent tous. Comme ce lundi soir, allongée sur mon tapis de yoga entre ces quatre murs. Je fais le vide. Cette phrase est bien mensongère ; je fuis mes pensées. Celle-là est plus sincère et réelle. Je ne porte pas de vêtements sinon qu’une petite culotte. J’aime bien rester nue. C’est peut-être l’un des avantages de vivre seule.

Je joue avec mon ombre qui se reflète dans le mur. Je bouge un peu mes orteils, afin de m’amuser. À cette heure précise, il m’est difficile d’exprimer exactement quel sentiment qui me traverse. Je ne pense pas être triste ; je me sens plutôt calme. Je ne laisserai aucune idée noire venir gâcher ce moment de tranquillité. Quelquefois, on veut juste profiter du moment présent. Rien que ça. Quoique ce n’est pas chose facile.

De nulle part peut survenir un souvenir, aussi lointain qu’il pût être

Et, il n’y a plus de moments présents. Tout devient illusoire. Le vin qu’on buvait à peine ne semble plus avoir le même gout. Involontairement, les souvenirs nous emportent. Ils nous emmènent dans les profondeurs. Et c’est à ce moment exact qu’on se rend compte qu’on n’avait rien oublié. On se met à réfléchir. Le présent n’y compte plus.

On s’en souvient d’un au revoir sans mots, sur le pas de la porte, un visage qu’on ne verra peut-être plus jamais, d’un je t’aime non prononcé, d’une présence jamais revenue, d’une personne partie trop tôt, d’un amour tumultueux, d’une amitié regrettée, d’une main tendue au milieu de la rue, des pas qui s’éloignent vers une camionnette.

On essaie de donner des explications inexistantes à des faits imaginaires. Finalement, les manques ne se manifestent jamais seuls. Ils sont toujours accompagnés par d’autres. Ils s’installent dans nos quotidiens, nous paralysant de tout acte de refus. Alors, on se laisse aller dans ce tourbillon. 

La sonnerie de mon téléphone me ramène à la réalité

J’ai eu une envie de prendre une douche chaude. Alors, je me suis levée du tapis, et j’ai quitté la chambre. J’ai allumé le four, mis ma petite casserole sur le feu. J’en profite pour regarder les étoiles à travers les barres de fer de ma fenêtre. L’eau commence à bouillir. Je ne la veux pas trop chaude. J’ai pris l’habitude de sortir toute nue dans la douche extérieure. Je ne sais pas pourquoi, mais c’est passionnant et excitant de regarder son corps se défiler devant soi. Je me sens confiante, belle. Ce qui m’arrive très rarement.

J’ai une histoire de haine avec mon corps

Je n’ai jamais ressenti le sentiment d’appartenance avec lui. Quelques fois, je passe devant la glace pour m’admirer, et chercher à comprendre ce qui m’empêche de jouir dans tes bras masculins. Et pourtant, tu sais tellement bien me toucher. Ça fait déjà cinq minutes que je regarde l’eau qui refroidit dans le bassin. D’un bond, je me penche vers le bassin, et pendant une seconde, j’ai cru apercevoir l’eau qui bougeait. Je remplis un premier seau d’eau.

Quelle douce sensation de laisser couler l’eau sur tout le long de son corps, repartir dans chaque petit recoin ! Quel bonheur ! Je peux le dire : le bonheur n’est pas des feux d’artifice. Il ne brille pas, ne crie pas sur tous les toits. Le bonheur, c’est plus profond. C’est se sentir en paix avec soi-même.

C’est boire un verre de vin rouge, seule dans son lit.

C’est le son de la pluie qui martèle le toit de taule de ma maison, les jours gris.

C’est écrire, tracer une ribambelle de mots qui colorent mes pensées et embellissent mes nuits sombres.

C’est écouter de la poésie dans le noir coloré de petites lumières sombres.

C’est dire un je t’aime à une personne même en sachant qu’il peut emporter ton cœur à l’autre bout du monde.

C’est aimer une mère silencieusement parce que tu as peur, honte de prononcer un mot, ce mot qui pourrait lui rappeler tant de souvenirs blessants, à cause d’un amour trop fort.

C’est laisser partir un homme, malgré l’amour qu’on lui porte.

C’est rencontrer de nouvelles personnes passionnantes et aimantes, qui nous permettent de voir la vie sous un angle magnifique.

Ces personnes sont comme des rayons de soleil qui apparaissent en plein hiver pour nous réchauffer. Ce sont tous ces détails, qui paraissent insignifiants et petits à nos yeux, qui constituent le bonheur. Le bonheur dans toute sa simplicité.

Image de couverture par James Cousins
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