Je t’avais déjà vu, mais je ne t’avais jamais vraiment remarqué, puis un jour nos genoux se sont salués sous la table avant qu’on ait nous-mêmes le temps de le faire. Ce soir-là, je me suis demandée si c’était la pluie qui rendait tes yeux plus brillants que la veille.  
C’était peut-être l’abondance des alentours qui m’a donné envie de pécher moi aussi. J’ai accusé les lumières tamisées comme responsables de mon envie de rester t’allumer un peu trop longtemps. Tu me disais des choses si rationnelles que j’ai arrêté de t’écouter. Je suis visuelle et tes yeux me racontaient une autre histoire, plus belle. Ton regard me parlait de feu et de passion. Ce soir-là, tes yeux m’ont chanté du Solomon Burke pendant que toi tu m’appelais Bébé.
J’avais chaud, mais c’était même pas dû à nos cafés irlandais, ni même à mon col roulé qui te gardait sans doute d’oublier tes si sages paroles. Je n'ai jamais été douée en sciences lors de mes jeunes années d’étudiante et, pourtant, je savais pertinemment que j’avais chaud à cause de la chimie qui passait entre nous et qui faisait augmenter le chiffre sur le thermostat. Ton corps parlait une langue des signes que j’étais la seule à comprendre. T’avais un charme de magicien caché comme un lapin au fond d’un chapeau, ou c’était peut-être des aimants qui m’attiraient malgré tes efforts pour ne pas que ça arrive.
J’ai peut-être lancé les premiers dés, mais c’est toi qui a établi les règles de la partie, parce qu’entre « aimants » et « amants », il n’y a qu’une seule lettre trop facile à déplacer. Malgré tout, je n'ai pas cédé au plaisir du jeu, parce que je voulais faire durer la tension. Depuis, je construis des barrières pendant que tu crées des ponts jusqu’à moi, puis le lendemain on échange de rôles, jusqu’à ce qu’on les déconstruise pour de bon. Ça m’arrive de m’imaginer qu’on est pris dans un ascenseur, assez longtemps pour faire tomber le désir entre nous, ou pour y céder une fois pour toutes. En attendant, on joue à un jeu dangereux en espérant une finale qui ne finit plus de ne jamais commencer.
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