Lorsque j'ai décidé de commencer cette chronique mensuelle, mon idée était de donner le plus de visibilité possible aux femmes qui ont le courage de lancer leurs propres affaires parce qu'il faut le dire, ça prend du courage pour être une femme entrepreneur. Je voulais commencer avec quelqu'un qui était établie depuis un petit moment déjà et qui avait réussi à faire sa place, dans un milieu d'hommes. Alors, qui de mieux que Meags Fitzgerald: une illustratrice qui a déjà deux romans graphiques à son actif : Photobooth : a Biography et Long Red Hair (aussi disponible en français Longs cheveux roux).
Elle s'est avérée être une rencontre tellement intéressante qu'il faudrait trois articles pour bien la représenter, car du contenu, elle en a!
Ayant commencé par des études en Arts, elle a dû faire un choix à un moment: être une artiste des beaux arts ou une illustratrice qui paye ses factures avec ses dessins. Elle n'avait pas envie de travailler à temps partiel dans un autre milieu, elle avait envie de gagner sa vie avec son art. Elle a donc commencé en faisant des affiches dans le milieu du théâtre et de l’improvisation. Rapidement, elle s'est trouvée une place dans le monde de l'illustration à Montréal.
Alors, quelle est la place d'une femme à travers la bande dessinée au Québec? C’était bien sûr ma première question. Pour commencer, il est important de savoir qu'il y a deux univers à la bande dessinée: le courant dominant que l'on connait bien (super héros mainstream) et celui des romans graphiques. Il semblerait que l'ouverture face aux femmes ne soit pas la même dans ces deux milieux. Les romans graphiques sont une forme beaucoup plus récente et donc plus ouverte! Effectivement, Meags a vécu du gros mensplaning dans des festivals en se faisant prendre pour la personne qui s'occupe des sous plutôt que de l'artiste, et cela à plusieurs reprises. Elle a aussi eu la chance de rencontrer un éditeur qui croit fermement à l'égalité homme femme et qui tente toujours de publier autant de femmes que d'hommes dans sa maison d'édition.
Les femmes sont tannées de devoir se défendre d'être des femmes, surtout dans les milieux majoritairement masculins (ben oui, c'est juste notre sexe et on ne peut rien y faire!) Alors, est-ce que ça signifie que nous devrions baisser les bras et arrêter de nous faire entendre? Non. Meags fait partie de celles qui s'expriment haut et fort et qui mettent les femmes de l'avant.
Ses deux romans graphiques sont à caractère autobiographique. Après les avoir lus tous les deux (avec beaucoup de plaisir, je dois dire!), je suis arrivée au constat suivant: elle est très courageuse. Son premier livre fait le topo super complet des photobooths, de leur histoire et de la façon dont ces derniers changent le monde. Son deuxième livre, qui se lit en une soirée, a été mon coup de cœur. On ferme les pages pour finalement avoir l'impression de s'être fait une amie qui nous a raconté sa vie. Elle nous partage ses peurs, ses complexes, ses opinions politiques et ses questionnements de vie, principalement au sujet de la sexualité et de la découverte tranquille de son orientation sexuelle. Elle est queer et nous aide à comprendre le sens de ce terme.
Alors je dis oui, ça prend beaucoup de courage pour être une femme dans le monde des affaires, mais encore plus pour utiliser sa propre introspection et la mettre dans une forme aussi originale et belle que celle des romans graphiques de Meags. En plus, tous ceux nés dans les années 90 auront beaucoup de plaisir à y trouver plein de références amusantes.
Crédit photo : Julie St-Georges
Maintenant que j'ai fait son portrait, voici la petite série de questions que je poserai à chaque entrepreneur durant l'année!
Quel est ton pourcentage d'artiste vs business?
40/60 - Elle passe énormément de temps à faire des tâches administratives et n'est pas gênée de dire que c'est ce qu'elle aime le moins faire. C'est tout de fois capital à la survie de sa business!
Quelles sont ses forces et tes faiblesses en tant qu'entrepreneur?
Elle est une très bonne oratrice. Elle est politique, jolie, créative et remplie d'arguments, de réflexion et d'ouverture. C'est ce qui la différencie des autres et qui lui permet de se faire voir dans son milieu. Être une femme lui a probablement été favorable plus que défavorable puisque ça la rend mémorable. Sa faiblesse? Comme beaucoup d’autres, c’est le côté « finances » parce qu’elle n’aime tout simplement pas ça.
Est-ce que tu fais tout, toute seule?
Quelques fois, elle délègue le « coloriage » lorsqu'elle travaille sur ses propres illustrations.
Elle donne donc une palette de couleurs et ses illustrations et peut simplement revenir faire la finition! Elle le fait surtout lorsqu'elle a plus de 100 pages à colorier.
Quels sont tes outils infaillibles d'organisation?
Les codes de couleurs et le calendrier Google. Tous ses courriels sont classés par code de couleurs et sa vie est régie à la lettre, comme toute bonne personne en affaires se doit de l'être.
Quel conseil donnerais-tu aux femmes qui aimeraient faire partie du milieu de la BD?
Elle conseille de ne pas se faire petite pour personne. De parler haut et fort de ses talents et de ses opinions.
Quels projets s'en viennent pour toi dans le futur?
Elle en est à l'écriture de son 3e roman graphique et déjà, le 4e est prévu. Elle participe à des festivals internationaux. Pour l'instant, elle met de côté son travail d'illustratrice puisqu'elle veut utiliser toutes ses capacités en créant aussi le contenu qui accompagne ses images dans les romans graphiques. Le sujet de son prochain livre? Elle parle de l'histoire des femmes célibataires et de l'impact qu'elles ont eu dans le monde...! Je ne sais pas pour vous, mais moi, j'ai très hâte de voir ça!
Alors, allez l'encourager ici .