Parfois, peut-être relativement rarement, mais non moins intensément, les souvenirs et les émotions nous visitent sans même y avoir été invités, et sans qu'on en saisisse la raison ou l'intention. Ce que j’ai compris en revanche, c’est que, peu importe les efforts déployés pour leur bloquer l’accès, ils viendront toujours à bout d’entrer. Bien avant que nous ne soyons parvenus à entrevoir, ne serait-ce qu'une infime parcelle de ce qui peut bien les pousser à nous imposer leur visite, ils auront déjà forcé notre entrée à grands coups d’intensité, et se seront confortablement installés.
Ça fait que… ça fait 14 ans, 3 mois et 22 jours que tu nous as quittés papa, c’est donc assurément autre chose que la date du jour qui te ramène si férocement dans mes pensées…
Cette lettre à ton intention n’a encore rien perdu de son essence, et demeure à ce jour ce qui me fait le plus de bien quand, de façon si paradoxale, ton absence se fait omniprésente.
Lettre à la mémoire de mon père
Déjà 4 ans aujourd'hui que tu as quitté ce monde papa; les étapes du deuil ont eu le temps de se succéder, de se chevaucher depuis l'annonce de ta maladie, parce que c’est ça aussi le processus du deuil. Les souvenirs se font de moins en moins lourds, mais de moins en moins fréquents aussi, et la culpabilité de le reconnaître s'estompe un peu plus chaque fois. Une chose est néanmoins demeurée intacte jusqu’à maintenant: la clarté du souvenir de la foi que tu as toujours eue en moi, et surtout, en mes capacités, mes talents, et peut-être encore plus que tout, la valeur que je représente pour toi. Pendant les 31 années que nous avons partagées, tu as toujours fait preuve d’une foi tellement inébranlable en ce que je pouvais accomplir... parfois peut-être à tort, d'autres fois, peut-être à raison, souvent certainement plus que moi-même.
Et même si de là où tu me vois maintenant, mes imperfections te sont plus apparentes, le regard que tu as posé sur moi pendant toutes ces années l'emporte, et me permet de croire que, malgré tout ce que tu peux voir en moi qui n'est pas aussi irréprochable que ce que tu voulais bien le voir lors de ton passage sur terre, tu vois encore en moi quelqu’un qui vaut tellement mieux à tes yeux que ce que personne d’autre ne verra jamais avec autant de lumière.

Merci de continuer de m’éclairer de cette belle lumière que tu vois en moi. Depuis maintenant 45 ans, c’est un privilège et un honneur de me savoir accompagnée de cet éclairage qui n’a encore rien perdu de sa luminosité, malgré les épreuves de la vie, les départs, les deuils, les ruptures.
Le legs inattendu
Je ne pense pas un jour me voir aussi rayonnante que ce que tu as toujours perçu de moi. Je ne pense pas non plus croire un jour avoir nécessairement mérité un tel regard si lumineux, exempt de toute part d’ombre et de noirceur. En revanche, je sais que ce regard de mon père posé sur moi est ce que tu m'as offert de plus précieux, et défiera le temps, et tout ce que la vie peut m'amener d'incertitude. Parce que je sais que tu ne l'as pas entretenu par devoir parental, mais parce que tu y croyais.
Je sais, et j'ai toujours su que, même si, un jour il n’y avait plus personne pour croire en mes possibilités, il y aura toujours toi qui continueras d'y croire tellement fort, que je ne pourrai jamais baisser les bras; ne serait-ce que par respect ou reconnaissance à ton endroit.

Merci de m'avoir tant aimé papa, malgré tous mes travers que tu as toujours choisi de ne pas voir comme tels.
Image de couverture via Canva