Je ne sais pas par où commencer.

Mes idées se brouillent tellement elles aimeraient toutes être les premières à exister sur le papier de mon écran. J’ai été aimé dans la vie. J’ai reçu beaucoup d’amour dans ma vie. Étant petit, je ne l’entendais pas fréquemment, pas souvent bien que je savais qu’on m’aimait. Depuis notre tendre enfance, on a été aimés à différentes échelles, à différents degrés, à différents moments. Des moments parfois doux et durs à la fois. On a tous et toutes été aimés au moins une fois dans notre vie. Des fois qui, parfois, durent quelques heures ou toute une vie.

Parfois aussi, l’amour est lourd

Lourd parce qu’il peut ne pas avoir le visage qu’on croyait qu’il avait. On a probablement accepté autant de fois l’amour qui nous était offert qu’on ne l’a rejeté ou complètement ignoré. Avec le temps en vieillissant, j’ai découvert par moi-même qu’on pouvait dire « Je t’aime » sans que cela implique d’être amoureux de la personne à qui on le disait. J’ai eu mon lot de réactions surprises à l’entendre, j’avouerais, mais ça ne m’a pas empêché de recommencer. Même que j’y prenais de plus en plus goût à cette façon de déstabiliser. Parce que l’amour, honnêtement ressenti, déstabilise. Comme si on n’était pas prêt à être aimé.

Je me souviens de mon premier « Je t’aime » comme si c’était hier outre ceux dits à mon père ou à ma mère.

Une amie à moi que je ne connaissais pas depuis si longtemps, vers la fin de mon adolescence, m’avait montré une maquette qu’elle avait construite pour un projet en Sciences au Cégep. Elle était nerveuse de me la montrer, mais elle s’est finalement décidée au bout de quelques jours. En entrant dans le sous-sol où elle était, j’ai été estomaqué par ses détails, sa justesse et sa grandeur.

Puis, tout bonnement je me suis écrié « WOW. Qu’elle est belle et hallucinante ! Merci de me la montrer. »

Et elle, sans aucune retenue, m’a dit : « Je t’aime. Ahh, je t’aime. » Point. Sans intentions autres que de me laisser savoir par ses mots que je lui faisais du bien par les miens. Sans arrière-pensées ni conséquences. Ce sentiment spontané, frais et enveloppant m’a réchauffé le cœur de tout son bonheur probablement en voyant mes yeux remplis de tant de stupeur.

Voyant que ses mots n’avaient que ce but précis, c’est à ce moment que j’ai su qu’il était possible de les prononcer sans avoir le ressentiment de devoir répliquer « Moi aussi » où devoir planifier de fonder une famille avec chien et enfants pour la vie.

Dire « Je t’aime » est difficile

Difficile à dire, mais aussi difficile à l’entendre.

On aime tous ces mots doux, mais souvent on se retient de le dire, car on a l’impression que le coût est trop élevé et engageant. Au point où on finit par être habitué à ne pas l’entendre de nos proches pour la simple et bonne raison que ceux-ci ne sont pas le genre de personne à dire ces mots.

« Oui, mais à trop le dire ça ne veut plus rien dire. »

Non. Ça ne veut plus rien dire quand on finit par ne plus le ressentir.

Est-ce qu’on peut aimer sans le dire ? Oui.

Mais quel genre d’humain peut trouver qu’on l’aime trop ?

Qui peut se permettre de ne pas recevoir d’amour ?

Car se faire aimer par quelqu’un peut être impliquant même s’il ne coûte rien à recevoir et qu’il est offert en cadeau dans tout ce qu’il y a de plus gratuit.

À quel moment on prononce le « Je t’aime » qui surprend, qui fait peur, qui tue ?

Le « Je t’aime », celui où l’on se rend instantanément compte qu’on a provoqué cet effet-là même malgré nous chez quelqu’un au point de nous le dire. Même chez quelqu’un qu’on n’aime pas nécessairement réciproquement. Il y a autant de « Je t’aime » que de façons de le démontrer. Façons qui sont propres à chacun.

Je t’aime c’est bon à dire, à prononcer. Il fait du bien pour un tout ou pour un rien, pour un détail ou une immensité. On se doit de le ressentir assurément, mais on doit cesser de le retenir par peur de ce qu’il créera, par crainte d’où il atterrira, par le monstre qu’on s’en fait et de ce qui en naîtra. Essaie, tu verras comme ça fait du bien malgré que la plupart du temps il ne voudra dire que tu apprécies le moment pleinement.

Apprivoise-le, le « je t’aime ».

Après coup, lorsque tu l’auras finalement dompté, peut-être que tu te décideras à mettre sur la balance ce que toi tu auras considéré comme de l’amour par tes « Je t’aime » qui seront sortis de ta bouche pour toutes ces occasions qui t’auront rendu simplement bien ou heureux.

Puis c’est à ce moment que tu sauras qu’à force d’aimer sans détour, il est finalement bien léger le poids de l’amour.

Image de couverture par Sandra Grünewald
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