En devenant mère, on passe forcément beaucoup de temps au parc du quartier avec son enfant. On y rencontre d’autres parents qui deviennent rapidement une nouvelle communauté avec laquelle on échange sur les garderies, les écoles et j’en passe. Jusque là tout est normal. Le parc au coin de ma rue est juste à côté d’un club de tennis privé. Vous me direz qu’à Saint-Lambert, ça ne vous étonne guère. J’acquiesce. Hier soir, donc, des joueurs discutaient après leurs matchs, tout bonnement, aux tables du club. Du parc, on entendait très bien leur conversation. C’est qu’un des joueurs avait une voix grave qui porte. J’ai donc tendu l’oreille, bien contre mon gré pour y entendre alors, je paraphrase : « On va s’entendre que les femmes sont moins fortes que les hommes. » OK, jusque là ça va.

« Au tennis, quand je m’intéresse à la carrière d’une joueuse, je le fais aussi pour sa personnalité, elle doit être intéressante à suivre. Un homme c’est la force du jeu qui est importante ».

La discussion a duré une bonne dizaine de minutes, je vous épargne le tout, mais c’est le centre des propos que tenait cet homme. J’étais sidérée d’entendre de telles phrases en 2022. J’ai failli réagir. J’étais avec une amie. Je lui ai demandé si c’est moi et mon féminisme qui exagérait, si j’avais vraiment bien saisi le ridicule de ce qu’il disait. Les yeux de mon amie étaient aussi ronds que les miens. On a vu l’homme partir. On n’a pas réagi.

Puis, je me suis tournée vers mon fils. J’aurais dû intervenir. Pour les femmes, pour moi, mais surtout pour lui puisque je ne veux pas qu’il tienne un jour des propos aussi machistes que ce joueur de tennis du dimanche qui ose dire haut et fort que Leylah Fernandez est ennuyante à suivre comme joueuse, mais que bien que Felix Auger-Aliassime le soit aussi, il est un homme donc ça le pardonne…

Une petite fille jouait dans le bac à sable à côté de Paul, mon fils, avec son papa. Le père a levé les yeux en entendant mon amie et moi nous dire qu’on aurait peut-être dû intervenir. Je paraphrase encore : « Ce qu’il disait ne faisait aucun sens, c’était macho ». Oui. Merci, cher papa, de nous avoir dit que tu étais d’accord avec nous. Merci de nous avoir rapidement rappelé que ce n’était pas dans nos têtes de féministes que ça se jouait, mais bien que cet homme disait des trucs absurdes, qu’il véhicule un double standard misogyne.

J’aurais dû intervenir, mais je ne l’ai pas fait.

Est-ce parce que je ne connais pas assez le tennis et qu’il aurait pu me détruire avec un argumentaire ? Probablement. Mais entendons-nous que la force d’un joueur ne change rien au fait qu’il est intéressant à suivre et encore moins sa gentillesse. Ce qui compte, c’est la qualité de son jeu. La force est une des composantes… qu’on soit un homme ou une femme.

Pourquoi, une fois de plus, la femme devrait être intéressante hors du terrain pour être intéressante à suivre et non l’homme ? Encore une fois, c’est machiste comme manière de voir les choses. Un sportif de haut niveau, qu’il soit un homme ou une femme, sait très bien que pour attirer les commanditaires, il doit avoir une personnalité hors du terrain. Ça fait partie du jeu de devenir une vedette. Toutefois, les vrais fanas de sports ne jugeront l’athlète que sur ses performances, pas sur son sourire devant les caméras. Le sexe ne change rien à tout cela.

Si je revois cet homme et qu’il tient encore un tel discours, je vais intervenir. Parce que je ne veux pas que les enfants entendent cela et que des petites filles puissent penser que peu importe comment elles seront bonnes dans un sport, elles doivent d’abord être gentilles ou jolies. Parce que ça me fâche de penser qu’on puisse tenir de tels propos en parlant fort à côté d’enfants qui sont en train de se construire pour demain et auxquels je souhaite un monde plus égalitaire.

Je m’excuse Paul, la prochaine fois ça sera peut-être un article, mais avant tout un débat d’idées en personne. Pour toi.

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