L’épuisement professionnel. Malheureusement trop courant, mais pourtant toujours stigmatisé et surtout méconnu. Pourtant, nous avons tous quelqu’un dans notre entourage qui l’a vécu, ou nous l’avons nous-mêmes subi. Je dis bien ‘subi’, car c’est loin d’être un choix.

Ça m’est arrivé, ou je dirais plutôt : ça m’est tombé dessus.

Depuis des mois, je traînais cette fatigue, cette lassitude et cette pesanteur jour après jour. Je me disais toujours que ça allait passer. J’attendais la journée de congé, et je la passais à me ‘reposer’ (lire ici: dormir), faute de pouvoir faire quoi que ce soit d’autre. Je croulais sous les responsabilités, tant professionnelles que familiales, et ma charge de travail ne faisait qu’augmenter. Je ne voyais plus comment reprendre le dessus. Un matin, ça m'est tombé dessus.

J’ai d’abord eu des étourdissements dans la chambre d’un patient (je suis infirmière…).

De retour au poste des infirmières, j’essayais de reprendre mes esprits en respirant un peu entre deux appels, une demande d’une préposée et le médecin qui me demandait de résumer un cas. Ç’a été le black-out. Plus de réponses possibles. J’ai vu le vide, entendu le son du vide dans ma tête, et j’ai su que j’étais allée trop loin. Mon corps ne voulait plus collaborer, mon cerveau ne voulait plus s’activer. Je ne m’étais pas écouté tellement longtemps, mon corps et ma tête me criaient si fort : ‘Prends soin de toi!!!’ . Ils ont décidé pour moi.

J’ai été arrêtée plusieurs mois. Je reprends tranquillement le boulot, mais je ne suis plus comme avant. Quelque chose est brisé.

Je les ai entendues les voix quand je n’étais pas là… Elle doit bien être reposée après 6 mois? De bien belles vacances ça en plein été… Elle n’a qu’à se donner un coup de pied au derrière…’ Mais l’as-tu vécu toi?

Sais-tu ce que c’est de se lever chaque matin avec la batterie plus à terre que la veille? Planifier avec soin ta journée, car il faut te laver les cheveux? Faire de l’anxiété, car il y a un souper à préparer? Faire une sieste, car tu as dépensé tout ton jus en allant faire l’épicerie? Il faut l’avoir vécu pour le comprendre…

La stigmatisation est difficile. J’ai souvent entendu les jugements des autres sur des collègues en arrêt.

Heureusement, tout le monde ne fera pas de burn-out un jour. Après avoir beaucoup lu sur la chose, j’ai identifié certains facteurs de risque communs à plusieurs victimes.

  • Le perfectionnisme. La personne perfectionniste aime le travail bien fait et ne peut se contenter de bâcler pour répondre à l’ampleur de la tâche.
  • Conscience professionnelle élevée
  • Responsabilités élevées à l’extérieur du travail
  • Ne pas savoir déléguer. Tout prendre sur ses épaules.
  • Difficulté à poser ses limites
  • Faible contrôle sur son travail

Je les avais tous. Maintenant, mon défi est d’essayer de changer tout ça. Car d’autres font le même travail que moi et ne se rendent pourtant pas là!

Doucement, j’essaie de finir à l’heure même si tout n’est pas parfait.

Je ne réponds plus au téléphone si je suis en train de rédiger un dossier. Je ne prends plus mes courriels chez moi. Je prends mon heure de dîner et mes pauses.

Autant de petits pas qui me mèneront lentement mais sûrement vers la ‘réhabilitation’.

Le lâcher-prise sur les choses sur lesquelles je n’ai pas de pouvoir, me rappeler des raisons viscérales pour lesquelles je fais ça: prendre soin d’autres êtres humains vulnérables.

Prendre le temps d’apprécier un moment privilégié avec un résident, même si tout va vite.

Ce ne sont pas des miracles, mais je crois que toutes ces petites idées s’appliquent à tous les domaines.

Mais surtout, si la flamme n’y est plus, si la tristesse et la lassitude persistent, avoir le courage de changer de carrière. Se donner le droit de le faire. Car sinon, le mur ne sera jamais bien loin.
Image de couverture de Kinga Howard
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