L’autre jour, j’ai réalisé que je n’avais aucun jugement quant aux choix de mes emplois. C’est vrai, quand j’y pense, la plupart des jobs étudiantes pour lesquelles j’ai été engagée ont été pour la plupart un vrai désastre. C'est à cause de mes trop fortes compétences, surtout dans le milieu des mises à la porte, des awkward moments, ou des accidents. C’est pour ça qu’être serveuse, ce n’était pas fait pour moi, au plus grand malheur de tous, en particulier ce pauvre petit garçon, à qui j'ai servi une crêpe d’apparence alléchante mais ô combien épicée (j’avais mélangé le contenant de sirop d’érable avec celui de l’huile à pizza), ou la madame d'au moins 200 ans que j’ai ébouillantée avec une soupe poulet et nouille (par accident, je ne suis pas si sociopathe). Je me souviens, à l’époque, on m’avait rétrogradé BusGirl. Je ne savais même pas qu’on pouvait être rétrogradé dans une cantine. Mais je pense que le pire, après bien sûr m’être fait renvoyer d’un motel cheap parce que j’ai confirmé aux clients que la bouffe du buffet du midi était pas mangeable pis qu’ils faisaient bien de se faire rembourser, c'est d'avoir travaillé en tant que princesse.  Oui. Une vraie de vraie princesse, avec la robe, la couronne, les petits souliers qui brillent pis les paillettes sur les paupières (pas comme les filles en manquent d'attention qui se définissent comme «princesses» dans la section Emploi sur Facebook).  J'étais Elsa. LA Elsa du film La reine des neiges. J’avais été engagée pour animer des fêtes d’enfants, donc je devais sourire en permanence, être exagérément gentille, faire des jeux et avoir l'air d'aimer ça, et, comble de l'horreur : chanter les tounes du film.  

Mais, au moment où le groupe d’enfants s’est immobilisé en cercle autour de moi en me criant «chante! chante!», ben j’ai figé en oubliant les paroles de Let it goooo, Let it gooo, et je suis partie en courant, laissant derrière moi ma perruque blonde tressée et les enfants troublés d'apprendre que j'avais les cheveux noirs. Je sais, je sais, je suis vraiment une marde d’avoir choké des petites filles pleines de vie, les visages gribouillés de brillants, mais grâce à moi, les parents ont eu un dédommagement de 50 piastres, et un prince d'un film quelconque de Walt Disney est venu prendre ma place comme animateur. 

Bref, ayant terriblement besoin d’un travail pour subvenir à mes besoins fondamentaux tels que mes lattés écrémés sans sucre du matin, j’ai commencé à regarder les offres d’emplois sur Kijiji, après avoir envoyé mes CV sur les sites d’emplois plus...disons...sérieux.  Non mais, on va pas se le cacher, sur Kijiji, t’as toujours une chance sur deux de recevoir un courriel louche d’un Roger, homme mûr de 52 ans qui recherche une jeune étudiante pour faire le ménage en bobettes et plussi affinités, tout ça parce que t’étais intéressée par une balayeuse à vendre.  

Plonger dans l’univers des petites annonces, c'est comme sauter du plus haut tremplin du Stade Olympique, mais se rendre compte à la dernière minute qu'il y a pas d'eau dans la piscine : j’ai dû postuler l’équivalent de la bible format papier et, par la suite, me faire appeler des dizaines de fois pour des offres vraiment pas aussi stimulantes que l'annonce le disait, sans compter les fois où je suis passée proche de me faire arnaquer par un dude d'Afrique qui cherchait, semblerait-il, une gardienne pour ses enfants, ses supers-enfants à qui, tel un bon père, voudrait leur acheter une Nintendo en cadeau, avec MA carte de crédit. 

«Recherche masseuse burlesque» 

Je ne sais pas pourquoi, c’est peut-être le mot «burlesque» qui m’a tout de suite fascinée, surtout depuis que j’ai écouté le film Chicago trois fois de suite en me prenant pour Renée Zellweger (ma mère était plus d'accord que lorsque je me prenais pour une coyote, du film Coyote Ugly, allez savoir pourquoi....).  En plus, j'avais un peu d'expérience dans le domaine, j’ai suivi des cours de strip-tease burlesque, juste de même, pour me déniaiser un peu de l’intérieur (ça avait servi à rien dans le fond,  j’ai pas appris grand chose à part enlever des gants de satin noir de façon aguichante et me faire rentrer dedans par une madame de six pieds, du haut de ses talons aiguilles zébrés Guess, qui faisait partie de la classe). 

En plus, c'était clairement écrit en gras dans l'annonce « aucun acte sexuel n'est permis» et, dans ma tête de femme-étudiante désespérée en manque de Bling-Bling pour me payer une vie d'étudiante et un décor digne de Pinterest pour mon appartement, je me devais de postuler.

C'est donc de cette façon-là que je me suis ramassée en haut d'une boutique sur la St-Hubert. En partant, juste être sur la Plaza après 17h, je trouve que c'est limite creepy. Imaginez comment je me sentais, assise les jambes croisées sur un sofa sectionnel aux mille et un coussins, dans une espèce de salon déguisé en bohème, avec la petite musique d'oiseau qui me grinçait dans les oreilles. Je me demandais crissement ce que je foutais là. J'attendais le patron, un certain Mr. Smith, (j'ai changé son nom pour éviter les poursuites judiciaires, j'ai déjà assez de tickets de parking à payer), qui lui, est sorti d'une espèce de chambre sombre où je pouvais apercevoir un lit de massage.  Il m'a dit de le suivre.

Il m'a expliqué le fonctionnement, et moi, j'ai pris le soin de demander s'il n'y avait vraiment rien de sexuel, tel qu'indiqué dans l'annonce. Il a juré. J'ai accepté. 

Trois jours plus tard, j'étais là, dans la même chambre où j'avais vendu ma salade sur la façon dont je faisais des massages (ben quoi, masser ma mère quand elle a mal au cou fait presque de moi une massothérapeute expérimentée). 

Le client était allongé sur le lit, les lumières tamisées, et une musique de style indienne jouait.  Il attendait impatiemment mes mains tremblantes sur son dos poilu, son dos de gros monsieur que je ne connaissais pas.  Et moi, à l'extrémité, habillée d'une robe mauve à paillettes qu'on m'avait prêtée pour jouer le jeu (c'était juste ça dans le fond, la fameuse touche burlesque), j'avais peur pis je me sentais conne d’un coup. 

L'huile était chaude et sentait la noix de coco, probablement de la cheap recyclée, ça me rappelait la crème solaire que ma mère me mettait quand j'étais jeune, et j'étais un peu gênée de penser à elle pendant que je m'apprêtais à masser un inconnu qui me rendait froide de partout et qui, allez savoir pourquoi, sentait le pâté chinois.  Dès que j'ai touché son dos, il a gémi.  Ouin, mes mains étaient trop frettes je pense. Aussitôt commencé, je suis partie dans ma tête, à l'intérieur, dans un recoin éloigné, pis je réfléchissais à des questions profondes, je pensais à la vie, à la spiritualité, à la désexualisation du corps de la femme, ou à quand remontais la séparation des Spice girls.  Plus le temps avançait, plus ça devenait weird, j'avais l'impression de graisser une plaque à cuisson, ou bien que mon huile était du Ketchup que j'étendais sur mon pâté chinois. J'avais vraiment envie de rire, de toute crisser ça là pis de retourner chez moi en écrivant dans mon journal à quel point c'était n'importe quoi : j'avais devant moi un monsieur tout nu dont le zouizoui était caché par une serviette blanche qui, mystérieusement tombait toujours un peu trop sur la gauche, à chaque petit spasme qu'il faisait pour me faire comprendre à quel point c'était bon.

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Source : bigfooty.com

Focus. Focus. Steak-Blé-d'inde-Patate. Steak-Blé-d'inde-Patate.  

Noémie, il te reste 20 minutes. Pense à n'importe quoi d'autre que sa zouine qui dépasse. Tiens! Lui, le dude étendu, c'est Bouddha pis tu le frottes pour la chance.  La chance va t'apporter tout ce que tu veux. Comme un pâte chinois extra Ketchup. 

Lorsque j'ai terminé mon premier massage, j'ai dit aux filles habillées laites comme moi que j'allais prendre mon heure de dîner et, aussitôt dehors, je suis partie dans le bar le plus proche que j'ai croisé.  Je me suis prise une pinte et un burrito, et une autre pinte pour le dessert. 

Voilà comment un jour, un sombre jour de ma vie, je suis devenue masseuse presqu'érotique le temps d'un 50 piasses, que j'ai dépensé par la suite en quinze minutes. 

Merci Bouddha. 

Source  photo de couverture : google.ca

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