J’avais 5 ans pis je ne m’imaginais pas en princesse. Je me visualisais déjà dans la toge et le petit chapeau carré brandissant un bout de papier qui me confirmait l’obtention d’un post-doc, rien de moins. J'ai toujours aimé apprendre, que ce soit dans le domaine des langues, des sciences pures ou des sciences humaines. J'ai toujours eu de la facilité à l'école. J'étais le genre de personne qui n'avait pas une note en bas de 85% au secondaire et pas une en bas de 90% au cégep.

Au primaire, les B étaient rares sur mon bulletin. J’étais la fatigante qui avait 102% à cause du point boni dans l’examen de la semaine. Je me rappelle que, quand j'avais la meilleure note à l'examen, je pouvais avancer les points de mon équipe pour avoir accès à des privilèges (du genre présenter mon golden pour la énième fois à la classe, sorry gang de 2005). Dans ma tête de petite fille, j'adorais ça parce ça créait de la joie à mes collègues et moi. Par contre, avec mes yeux d'adulte, je me rends compte qu’on récompensait davantage les étudiants qui étaient doués, sans égard aux efforts fournis, aux difficultés surmontées, aux améliorations. Seul le résultat comptait, l'excellence.

étudiante qui note formules mathématiques dans son cahierSource image: Pexels

Je me rappelle aussi de quand on était en secondaire 5, sur le point de décider ce qu'on allait faire de notre avenir. Il était indéniable que le cégep était la meilleure voie, tremplin avéré pour les études universitaires. Bien que les DEP demandent de fortes habiletés et qu'ils sont souvent gage de réussite, ils étaient minimisés, voire déconseillés. Ceux qui les choisissaient étaient presque jugés. On nous vantait les programmes de sciences de la santé ou des sciences appliquées, les choix prestigieux et apparemment payants. Comme si les autres plans étaient des plans de second ordre. Quand les bollés de mon espèce choisissaient un domaine autre, on se faisait presque dire que c’était du talent gaspillé. Ok, parce que choisir quelque chose qui va me donner le goût de me lever le matin, c’est du gaspillage, t’as dont ben raison.

Au Cégep, je me rappelle avoir été obsédée par la cote R. Je n'avais même plus de plaisir à apprendre, seul le résultat comptait. J'étais fâchée quand j'avais 95% en me demandant où j'avais perdu des points et en me promettant de faire mieux la prochaine fois. Je me suis rendue malade à vouloir maintenir ma cote R de 32-33. Je passais des nuits d'enfer les veilles d'examens importants. Je me rappelle m’être réveillée en sueur en pleine nuit et garder un sac du Maxi pour être sauve si mon estomac faisait des siennes. Désolé Martin Matte, je viens de détruire l’humour associé à ce supermarché.

fille concentrée qui étudie dans un caféSource image: Unsplash

Pourquoi se rendre là? Parce que, de nos jours, ce sont ces chiffres qui décident ce que tu vas faire de ton avenir, ceux qui décident si tu es jugé assez bon pour exercer tel ou tel métier. Des chiffres qui te disent ce que tu vaux. Bullshit. Je comprends que tu peux pas opérer quelqu’un si tu échoues tes examens de bio, sauf que je pense pas que tu sois pas assez bon si t’es refusé dans un programme par des décimales superflues.

J'ai été acceptée à l'université en travail social et en droit. J'ai étudié en santé animale et peut-être qu'avoir continué en oubliant ben comme faut ma qualité de vie, j'aurais un jour pu être acceptée en médecine vétérinaire. Sauf qu'à bien y penser, cela ne m'aurait pas assuré nécessairement le bonheur. Loin de là. Parce que le travail est une infime partie de ta vie, pas une finalité, pas l’essentiel. Enlève-toi ça de la tête.

Je compte faire un baccalauréat à temps partiel prochainement. Je ne suis pas allée à l’université après mon Cégep, je devais donner une pause à mon cerveau qui allait se transformer en volcan au bord de l’éruption. Sauf que, pour la première fois, je vais le faire pour le réel plaisir d’apprendre, de me perfectionner et de découvrir d’autres facettes de ma profession que j’aime tant. Celle qui est une partie de ce que je suis, parce que je suis tellement plus que ça pis toi aussi.

fille de dos qui étudie dans un caféSource image: Unsplash

Je connais des détenteurs de doctorat qui manquent profondément de savoir-être, trop obnubilés par le diminutif «savoir». Je connais des gens qui n’ont pas de diplômes qui sont très allumés et super intelligents. Donc, si tu as lu ce texte, c’est sûrement parce que ça te concerne actuellement ou que t’es déjà passé par là. J’espère que quand quelqu’un te demandera qui tu es, tu seras capable de nommer plein de belles choses en dehors de ton métier. C’est à ce moment que tu sentiras que tu es réellement quelqu’un. Pis t’auras même pas besoin d’avoir la toge, j’te l’dis.

Source image de couverture: Unsplash
Accueil