Enfant, je pensais que je venais d’une famille parfaite. Plus tard, j’ai réalisé que ma famille était plutôt sérieusement dysfonctionnelle. L’aliénation mentale que j’avais subie après que mes parents se soient déchirés m’a laissé avec des troubles de santé mentale. Quand j’ai fait une première dépression, à seize ans, j’ai compris que je n’avais jamais vraiment été heureuse. Vraiment heureuse. Je n’avais jamais appris à vivre.
Couchée dans mon lit avec un paquet de biscuits posé sur mon ventre trop maigre, je me rappelle avoir fermé les yeux et arrêté de respirer. Je voulais savoir ce que ça faisait, d’être morte. Contrairement à mes parents, je n’ai jamais cru en rien. Sans être religieux, ils croient tous les deux à une force supérieure et au destin. Pas moi. La mort m’a toujours fait peur parce que, pour moi, il n’y a rien de l’autre côté. Quand c’est la fin, c’est la fin.
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Bref, la mort m’a toujours terrorisé jusqu’au jour où elle m’est apparue comme une sortie de secours. D’un coup, la pensée qu’il n’y avait rien après me rassurait. Au moins, mon enfer allait s’arrêter. Plus la dépression gagnait du terrain, et plus l’idée de ne plus jamais me réveiller me paraissait attirante. Je ne pensais pas pouvoir être un jour heureuse.
J’étais quand même terrifiée parce que je ne me reconnaissais plus. Je n’avais jamais voulu mourir, et je ne le veux pas davantage aujourd’hui, mais ça m’apparaissait comme la seule solution. Quand on m’a retrouvé en larmes, incapable de respirer, dans la toilette de l’école, on m’a tout de suite emmené chez la psychologue de la polyvalente. J’aurais pu décider de me fermer comme une huître et de faire comme si tout allait bien. Mais j’ai essayé de me faire comprendre une dernière fois. Et elle m’a compris.
Ce jour-là, j’ai été hospitalisée dans un centre de pédopsychiatrie. Le 03 novembre 2016, j’ai commencé ma leçon sur le bonheur. Lentement, j’apprenais à me reconstruire, à apprécier les petits plaisirs de la vie. Ça a été un long chemin, mais les paysages étaient à couper le souffle. Chacune des montagnes que j’ai traversées en a valu la peine et la souffrance. Parce que je me suis retrouvé.
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Quatre ans plus tard, je poursuis mon apprentissage. Je n’ai plus l’impression de me garder en vie, mais j’ai l’impression de vivre pour vrai. Alors oui, j’ai peut-être valsé avec la mort le temps de 2-3 danses, mais au bout du compte, je l’ai laissé à l’autel et j’ai tourné les talons. Et maintenant, j’embrasse la vie. Quétaine, je sais. Mais c’est le plus beau cadeau que je me suis jamais fait. Une relation saine avec moi-même, avec 2-3 graines de bonheur dans mes poches.
Il y a encore certaines choses qui traînent sur mon chantier de construction. Parfois, après un gros orage, il y a quelques dégâts. Mais rien d'irréparable, parce que j’ai maintenant les outils pour continuer d’avancer. Un jour, j’espère raconter à mes petits-enfants comment leur grand-mère a construit le plus beau château qui soit. Mais en attendant, je me contente de vivre, et c’est bien assez.