Du plus loin que je me souvienne, ma plus grande crainte était de perdre ma mère.

J’ai été choyée par la vie. J’ai eu la chance d’avoir une mère avec qui j’entretenais une relation privilégiée. C’était une humaine d'une douceur et d'une gentillesse infinies. Une femme vraie, sans dentelle et sans artifice. Il y avait entre nous une complicité réelle et sincère. Un amour profond et tendre. Nous avions aussi bâti à travers le temps une amitié solide.

Un jour de janvier 2020, le destin nous a frappés sans prévenir. Elle est devenue très malade. En l'espace de seulement six semaines, elle nous a quittés, changeant ma vie à jamais.

Comme tout le monde, j’avais déjà entendu parler du deuil. J’avais lu ces phrases préfabriquées concernant le temps et la douleur face au départ d’un être cher. Mais entre l’entendre, l’imaginer et le vivre, il y a un abîme. Jamais je n'aurais cru perdre quelqu'un d'aussi proche, c’était comme si une partie de moi-même disparaissait.

La vie continue, mais la mort nous confronte à notre propre manière de l'affronter. Pour chacun, c'est une expérience unique.

Après le départ d'un proche, certaines émotions se dévoilent facilement, éveillées par des signaux tangibles. Des souvenirs, tels qu'une chanson résonnant avec le passé, une photo ayant capturé un instant précieux, ou même une odeur qui nous transporte, peuvent nous ramener instantanément à notre perte. Le lien direct du souvenir à notre cœur rend l'émotion prévisible. Il s'agit là d'un processus que l'on peut anticiper et appréhender dans une certaine mesure.

J’ai appris à gérer plus aisément cette facette. Ces émotions me semblaient tout à fait logiques. Un genre d'action-réaction.

Mais il existe aussi un autre aspect du deuil, moins prévisible, plus insidieux. Une émotion qui se manifeste de manière inattendue, sans qu'aucun souvenir direct ne la précède. Un rappel subtil, mais puissant de ceux qui ne sont plus là. Cet état d’esprit ne peut pas être repoussé en arrêtant une chanson ou en refusant de parler de certains souvenirs pour éviter la peine.

Impossible à ignorer, ce sentiment dévastateur nous envahit sans prévenir, à n'importe quel moment. Plongés dans nos activités quotidiennes, absorbés par nos tâches et nos responsabilités, menant notre vie habituelle, l'émotion surgit à l'improviste, balayant toute illusion de contrôle en un instant. C’est alors qu’une sensation de manque et de chagrin nous submerge, nous laissant perplexes, à tenter de comprendre cette souffrance inattendue.

Personnellement, j'ai dû apprendre à cohabiter avec cette imprévisibilité et à mieux la gérer.

Quand ces émotions se pointent sans raison apparente, nous prenons conscience de la profondeur de notre douleur. Comme si à cet instant, nous perdions de nouveau l’être cher. Nous réalisons que la plaie n'est pas encore entièrement guérie. Que le processus est un périple long et sinueux, parsemé de hauts et de bas, de moments de paix et de tempêtes.

Je sais que ceux qui ont déjà perdu quelqu'un comprendront ce que je décris. Chaque fois, la douleur surprend, rappelant combien l’absence est toujours présente.

Même si cette partie a été plus difficile pour moi à apprivoiser, par son effet surprise, je pourrais dire que maintenant, je l’accepte beaucoup mieux. Malgré ces moments douloureux, je reste convaincue que la guérison progresse, même lentement.

Notre perte ne se limite pas à un événement ponctuel. Ce n'est pas quelque chose que l'on vit une seule fois pour ensuite passer à autre chose. Perdre quelqu'un est un voyage sans fin. Chaque jour peut être un défi, mais aussi un pas vers la résilience.

Bien que la souffrance puisse sembler insurmontable, elle peut également être une source de force et de croissance. En trouvant à travers chaque vague de chagrin, le chemin pour continuer.

Image de couverture via Pixabay 
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