19h26 devant mon écran en pyjama, j’écris. Ça fait un bout que les mots et moi, nous ne sommes pas rencontrés. Je les ai un peu évités pour ne pas plonger dans cette boule d’émotions. En 2020, on en a vécu des vagues de tous les sentiments, des marées qui ravageraient des villages et même des villes. Les mouvements les plus fracassants, c’est sans aucun doute l’impuissance, la tristesse et la colère, un mélange corrosif par rapport à la mort. La colère d’être loin de nos proches, de passer à travers le deuil sans pouvoir accompagner notre famille adorée.
2020, tu m’as fait de la peine quand tu as laissé ma grand-mère seule à l’hôpital, loin de ses repères et de sa routine. Quand elle était entre quatre coins de mur blanc, sans contact pendant un bon bout de temps… La pandémie, c’est une histoire de lâcher-prise, de communauté et d’entraide, mais quand je pense à ça, j’ai un petit goût amer dans la bouche. Quelques fois, ce sont simplement les câlins que j’ai envie de propager. C’est le contact peau à peau, la chaleur et douceur fusionnée pour un apaisement instantané. Ce sont mes mains qui caressent la main de ma douce grand-maman sans gants que j’aurais souhaité. Ce sont les sourires à pleines dents que j’aurais voulu qu’elle voit.
Je sais que de l’amour à distance, des appels affectueux et des soins infirmiers enveloppants sont bel et bien là. Je suis juste navrée que toutes ces familles n’aient pas été rassemblées une dernière fois. C’est de se dire qu’on fait de son mieux même si le contexte n’est pas optimal. C’est de se dire que les petites attentions, comme un moyen café deux laits et pas de sucre, apportent un petit sourire apaisé.
Le décès en temps de pandémie, c’est de moins réaliser l’absence de cet être cher parce que tout le monde est loin dans son coin. C’est de reporter les funérailles parce qu’on veut essayer de faire comme dans le bon vieux temps et de se tenir la main pendant cette épreuve, cette fois-ci, tous les membres réunis. C’est d’être triste parce qu’on aurait donc voulu donner un câlin chaud, joue contre joue. C’est le désir d’enlever le masque de procédure pour se voir enfin en toute vulnérabilité.
Alors ma douce grand-maman, je me considère honorée d’avoir passé tes derniers moments à jaser de tout et de rien, d’avoir appris à connaître tes multiples facettes comme ton désir d’indépendance et ta répartie tranchante. C’est la chance de constater à quel point tu es douce et courageuse. C’est un réel privilège de t’avoir fait sourire en me dandinant, d’avoir écouté des chansons mélodieuses à tes côtés et d’avoir tenu ta main à travers nos gants en nitrile.
Source image : Marie-Philip Mercier
À tous, je vous dis que le temps va faire les choses. Mes sincères sympathies.