J'ai bien dit culte.
Tout simplement, car c'est ainsi que je l'ai ressenti, alors qu'on m'appelait trois fois par jour, qu'on me textait lorsque je ne répondais pas et qu'on tirait sur le mamelon alors qu'il était en sang. Oui, EN SANG.
Sachez que ce texte n'est pas une critique de l'allaitement en soi. Je ne suis pas contre l'allaitement. Je suis même pour, si ça marche pour toi et c'est ce que tu souhaites faire. Je suis pour l'allaitement en public. Je suis pour l'allaitement au-delà d'un an. Tout ça, je suis ben ben pour.
Je suis contre l'acharnement de l'allaitement.
À la seconde où tu coches allaitement dans ton formulaire d'hôpital avant ton accouchement, tu es mise dans cette catégorie de maman qui veut allaiter coûte que coûte. On ne te pose pas de question, ton sein sera la seule source de nourriture pour ton bébé. Après tout, c'est écrit sur la feuille, tsé.
Et beaucoup de femmes sont catégoriques que c'est ce qu'elles désirent. Le corps hospitalier doit donc respecter cette décision, non?
Oui, c'est vrai. Mais lorsque tu vois que le bébé pleure, que la maman pleure, que le papa pleure, que personne dans ce trio de personne ne dort et n'est bien, n'est-ce pas le temps d'intervenir? Ou devrait-on s'acharner?
Est-ce qu'on peut se dire que si ça marche pas, ben, ça marche pas?
Selon plusieurs études, non.
Parce que la montée de lait peut prendre plusieurs jours avant d'embarquer, voir jusqu'à une semaine. Parce que tu peux essayer plusieurs positions afin de tester ce qui convient le mieux à toi et à ton bébé. Parce tu peux manger certaines choses qui peuvent augmenter la production laiteuse. Parce que tu peux tirer ton lait pour continuer à bien stimuler tes seins en attendant que ton bébé mange efficacement. Parce qu'il existe des dispositifs afin d'encourager ton bébé à téter.
Tout ça existe pour aider le duo maman-bébé à vivre une expérience d'allaitement magique et à fournir à bébé les anticorps de qualité pour le reste de sa vie.
Donc, quand est-ce qu'on peut abandonner et aller vers la formule? Mais voyons, choisir la formule, c'est honteux. C'est ne pas donner à notre bébé tout ce qu'il a besoin pour bien grandir. C'est abandonner. C'est paresseux. C'est sacrifier la connexion avec son bébé. C'est être une mauvaise mère.
C'est ce qui ressort lorsqu'on lit certains pamphlets d'allaitement, voir même, ceux de plusieurs formules (Pampers, je vous regarde!).
C'est ce qu'on m'a fait ressentir à l'hôpital, lorsque mes mamelons avaient fissurés après quelques séances de succions intenses de la part de mon bébé, que celui-ci ne dormait pas depuis un bon moment et que mon chum avait finalement demandé de la formule avec autant de conviction que s'il partait en guerre. Ou alors lorsque l'infirmière tirait et tournait mon mamelon afin de l'enfoncer dans la bouche de mon bébé, et ce, sans mon consentement. Mais aussi quand ma marraine d'allaitement continuait à me proposer solution après solution, alors que j'étais clairement épuisée, vulnérable et influençable.
À travers toute cette expérience, je me suis sentie comme si je n'avais pas d'autres choix.
Je me sentais trop coupable pour arrêter d'essayer, même si ma santé mentale commençait à en prendre un coup. La culpabilité est une émotion forte chez les nouvelles mamans. Nous ne connaissons pas grand-chose, faisons les choses pour la première fois, manquons de sommeil et, par-dessus tout ça, nos hormones sont complètement déréglées. La bienveillance est de mise, autant pour maman que pour bébé.
Alors, jeune maman, laisse-moi te dire que si tu sens que quelque chose ne fonctionne pas, écoute-toi. Tu te connais plus que les autres. Tu connais ton bébé plus que les autres. Et si tu penses que laisser tomber l'allaitement est la bonne chose à faire, ce l'est certainement. Je ne dis pas de ne pas essayer. Je dis simplement de ne pas t'obstiner jusqu'à l'aveuglement. Même si tout le monde met l'allaitement sur un piédestal et que c'est la première question que de purs inconnus vont te poser, même si ce n'est pas de leur affaire.
Afin que vos expériences futures soient plus agréables que les miennes, voici quelques pistes de solutions.
Critiquer, ce n'est pas tout dans la vie. Il faut essayer d'avance aussi.
Premièrement, j'invite les marraines d'allaitement et le personnel hospitalier à se former sur la manière de gérer plusieurs types de seins, de corps, de mamelons. Je suis persuadée que des conseils adaptés à la forme du sein aideront sensiblement les mamans à personnaliser leur approche à l'allaitement. Je les invite aussi à prendre en considération les mères et non seulement les bébés. Oui, ces derniers sont précieux, mais ils ont aussi besoin d'une maman en forme pour s'occuper d'eux. Physiquement et psychologiquement.
Deuxièmement, qu'un chapitre sur l'alimentation avec biberon et formule soit inclus dans les cours prénataux. Je ne savais pas qu'il y avait des tétines avec plusieurs débits et de différences grosseurs ou comment gérer le nettoyage des biberons. Ce sont des informations pertinentes pour celles qui ne vont pas vers l'allaitement, mais aussi d'ordre général.
Troisièmement, que les gens se calment les préjugés et se mêlent de leur affaire. Non, Monsieur-sur-Facebook, ce ne sont pas toutes les femmes qui peuvent allaiter. Certaines ont eu des chirurgies ou ont des antécédents de santé qui leur empêchent d'allaiter. Mais surtout, ce n'est pas toutes les femmes qui le veulent. Et elles n'ont pas moins de valeur pour autant. Non, Madame-sur-Facebook (les gens qui commentent sur Facebook sont particulièrement intenses), ne pas allaiter ne rendra pas un bébé stupide ou toujours malade.
Finalement, soyez douces envers vous-mêmes, mamans. Prenez les décisions pour vous et votre bébé, pas pour votre entourage. Faites ce qui a du sens pour vous, même si Internet vous dit que c'est méchant. Laissez-vous des chances, ce n'est pas parce que c'est sur Santé Canada que c'est ce dont votre bébé à besoin. C'est aussi une question de feeling.
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