Mon coloc, celui qui accompagne mes pensées, est revenu sans me donner de préavis. Il s’appelle anxiété.
Lorsque ma première fille est née, je suis tombée dans une autre sphère de ma vie. Ayant toujours été anxieuse de performance de nature, je voulais vraiment devenir la maman parfaite, celle qui est pleine de patience, celle qui n’hausse jamais le ton, celle qui comprend tout du premier coup. Puis, je me suis brûlée, et je me suis perdue. Je n’arrivais pas à accepter que je n’étais pas parfaite, que je faisais des erreurs et que même parfois je blessais ma fille en perdant patience (dans ses émotions, non physiquement).
Le temps a passé et nous avons appris à nous connaître, j’ai consulté et j’ai repris le contrôle de mon anxiété. J’ai su le reconnaître quand il arrivait par surprise et j’ai appris à me mettre des outils en place pour le gérer plus rapidement. Puis, ma deuxième fille est arrivée. Le manque de sommeil est revenu assez rapidement, et je me suis rendu compte que c’était un des facteurs qui aggravait la venue de mes symptômes. Cependant, ne pouvant pas dire à ma fille de me laisser dormir, les nuits passaient, et je me sentais de plus en plus susceptible, fragile et le tourbillon prenait le dessus dans mon torse et dans ma tête.
Un matin, je suis partie en auto et une grosse crise d’anxiété a refait surface. Cette fois-ci ce n’était pas contrôlable. Je me suis mise à pleurer, pleurer et avoir mal dans le cœur. La respiration était difficile et je ne savais pas à qui parler. Je me sentais seule et je n’avais pas envie d’être jugée. La vérité, c’est que les gens qui ne l’ont jamais vécue vont probablement te dire que ça va aller, qu’il faut focaliser sur le positif, qu’il faut croire en soi et même certains diront que ce n’est pas réel. Ils disent ces mots pour nous apaiser, sauf que dans mon cas, ça fait juste augmenter les symptômes parce que dans le moment, ça ne va pas bien aller, et je n’arrive pas à être positive, donc le sentiment d’incompétence monte en flèche et repart un cycle d’anxiété.
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Je me sentais laide, je me sentais perdue, j’avais l’impression d’être la pire mère au monde, car je n’arrivais pas à bien être présente pour ma plus vieille qui réagissait à la naissance de sa sœur. Je n’arrivais pas à prendre souvent ma plus jeune, car la plus vieille me mettait au défi de prévoir ses prochains mauvais coups (comme colorier sur les murs, grimper dans l’échelle de son lit). Je me sentais comme une mauvaise amoureuse parce que le temps que j’avais, je le passais à dormir, je n’avais pas envie de m’arranger, c’était le pyjama avec le reste de lait sur le chandail avec les cheveux en bataille.
Puis, un matin, j’ai dû appeler ma mère, j’avais besoin d’être apaisée, c’était trop pour moi. J’ai décidé de revoir ma psychologue et de reprendre où j’avais laissé. J’avais l’impression de n’avoir rien travaillé, d’avoir à recommencer du début. La vérité c’est que j’ai beaucoup avancé. Je me suis tellement épanouie. J’avais peur de tout avant, j’avais peur d’avancer et j’avais honte d’être prise avec mon anxiété, j’avais l’impression d’être un fardeau. Je ne peux pas dire que ce sentiment n’est plus jamais là, mais j’arrive à accepter que mon coloc va rester avec moi pour toute la vie. Ce n’est pas nécessairement toujours joyeux l’anxiété, ça m’amène parfois des comportements auto-destructeurs, mais d’autres fois, c’est ce qui me motive à continuer et à ne pas lâcher. Il n’y a rien de tout blanc ou tout noir, et j’essaie de m’accrocher aux beaux aspects de ma personnalité et au bon côté de mon anxiété. Je ne suis pas une condamnée, je suis une fille qui a plus de difficulté que d’autres et qui chaque jour doit prendre le temps de prendre soin d’elle pour ne pas tomber.
La vérité, c’est que, toute ma vie, je vais être plus portée à vouloir tout organiser, planifier et gérer. C’est épuisant, mais c’est mon combat. Je ne suis pas capable d’être toujours dans le moment présent, je me balade en arrière et en avant. Mais ce que je sais c’est que je vaux quelque chose, je ne suis pas moins attirante, ni moins plaisante à côtoyer à cause de mon anxiété. On a tendance à ne pas être doux avec soi quand on a un problème de santé mentale, on se culpabilise, on s’isole. Mais la vérité c’est que c’est là qu’on a le plus besoin d’être entouré et compris. Sans que l’autre personne nous porte dans nos difficultés, juste qu’ils marchent à côté de nous au cas où on aurait à tomber. Parce que tomber seul, ça fait beaucoup plus mal que de tomber accompagné. Se relever devient plus facile.