Depuis qu’on est haut comme trois pommes, on se fait demander sans relâche ce que l’on voudrait faire lorsqu’on sera grand. Tout dépendant de l’âge on répond, une princesse ou un chevalier, une policière ou un pompier et une avocate ou un médecin. Plus le temps avance et plus nos réponses sont réalistes, sages et prêtes à entrer dans le moule. Toute fantaisie de nos jeunes débuts s’est évaporée pour laisser place aux « emplois types » les plus médiatisés.

Plus le temps passe, et plus l’anxiété de réussir dans la vie se fait sentir et nous pousse à abandonner les rêves qu’on avait enfant pour se concentrer sur des buts plus atteignables et surtout sécuritaires financièrement. On nous pousse à choisir une carrière à un âge où on n’a même pas encore le doit d’acheter de l’alcool par nous-même et on nous fait croire qu’il faut aimer notre travail sans jamais préciser la condition générale : l’argent.

Pour ma part, j’ai décidé de ne plus être stressée. Je suis au Cégep sans programme, je fais uniquement des cours de base et tous les jeunes de mon âge qui sont réputés pour avoir un « brillant avenir » me regardent comme si j’étais une bibitte étrange. Pourtant, il n’y en a aucun d’eux qui sait quoi me répondre quand je leur lance : à quoi bon me presser, j’ai le reste de ma vie pour travailler.

Bien sûr, avant d’atteindre un état aussi zen du style « ce qui doit arriver arrivera, on verra bien quand le temps passera » - ce qui, soit dit en passant, est loin du je m’en foutisme octroyé comme dénominateur commun à ma génération – il y a eu le défilé d’API, d’orienteurs, de membres de la famille qui croient tout savoir en te lançant le célèbre : Il y a tellement de choix de nos jours, tu as l’embarras du choix. Et oui, en effet, cette montagne de choix toujours plus différents les uns des autres nous met dans l’embarras, bien vu. Et pendant cette procession d’adultes croyant avoir tout compris, il y a moi, qui étouffe en dessous de tous ces conseils qui ne résonnent pas du tout.

Vient ensuite l’acceptation pure et simple qu’une fille de 17 ans complètement paumée, sans emploi (c’est comme si, je travaille trois heures par semaine) ni programme au Cégep a vraiment la belle vie. Je lis des livres qui me passionnent, j’écoute des films et des séries qui satisfont mon désir de fantaisie et d’aventure, je prévois des futurs voyages, j’écris et je me repose. En bref, je vis. Je ne laisse pas l’école me définir comme individu comme elle semble définir la plupart des étudiants. Bien entendu, je vais à l’école, mais à cinq cours par session, on comprend que je n’y passe pas tout mon temps.

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La première chose que je sais, c’est que tout le monde, de mes parents à mes amis, critique mon mode de vie, comme si j’allais passer le restant de mes jours à vivre de cette façon. Pour dire vrai, j’ai fini le secondaire exténuée, claquée, vidée. Avec la mort de mon grand-père, la séparation loin de s’être bien déroulée de mes parents, le stress de la perfectionniste en moi qui veut toujours avoir au-dessus de 90%, le premier emploi d’été que j’ai profondément haï et les réalisations soudaines que, pour la plupart, les amitiés que tu crées pendant le secondaire n’ont presque aucune chance de perdurer, j’étais à bout de souffle. Pendant deux sessions, j’ai pu recharger mes batteries et enfin reprendre le gout d’étudier et de me dépasser à l’école, une volonté qui fait office de denrée rare dans mon entourage. Je ne regrette absolument pas d’avoir « perdu » une année dans mes études, cela m’a permis de ne pas me noyer dans le stress et l’anxiété qui est le facteur commun de presque tous les problèmes de santé mentale chez les étudiants de mon âge. J’ai emprunté un chemin moins usuel et bien qu’il soit différent, il n’en est pas moins acceptable que le parcours type d’un cégépien qui va en ligne droite sans jamais s’arrêter jusqu’à la fin de ses études.

On est à l’âge ou il est très correct et même important de faire des erreurs pour apprendre de celles-ci et d’expérimenter le plus possible de réalités différentes, alors pourquoi ne pas en profiter? Les adultes nous répètent sans relâche que notre jeunesse est le meilleur moment de notre vie et on laisse notre stress chronique nous empêcher de vivre pleinement cette époque bénie à notre façon, d’une façon qui nous permettra éventuellement de nous épanouir. Pour avoir vécu « l’échec » comme certains qualifieraient le petit moment de pause essentiel à ma santé mentale, je sais qu’on se sent poche, limite lâche et certainement pas raisonnable en empruntant un chemin différent. Mais au final, être à l’écoute de son besoin de souffler et de prendre son temps, c’est aussi ne pas laisser notre futur nous empêcher de vivre notre présent.

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