La mort. Cette hantise intouchable qui nous suit toute notre vie. Lorsqu’on arrive à la fin d’un long parcours et qu’on sait qu’on est prêts à quitter, ce sont souvent les proches qui nous retiennent. Pour passer un dernier moment, rire une dernière fois, dire ces mots qu’on n'a jamais su dire. Mais il est essentiel de laisser partir, lorsque le temps est venu.
Personne ne devrait avoir à vivre dans ses propres excréments ou être lavé, des mois durant, par un étranger. Incapable de s’alimenter, incapable de marcher, de parler. Le corps envoie des signaux bien clairs. Il est temps pour l’esprit de l'écouter. On ne devrait pas avoir à dire au revoir à notre capacité de s’occuper de nous-mêmes.
Vieillir fait pourtant partie de la vie et il ne nous a pas encore été donné d’arrêter le temps, de contourner le fil des choses.
Pourtant, la médecine d’aujourd’hui permet aux familles de ralentir le processus, de maintenir en vie leurs aînés un petit peu plus longtemps.
Un petit peu TROP longtemps.
C’est avec égoïsme que, souvent, nous gardons ces gens en vie. Afin de combler des besoins que le temps nous a arrachés.
Mais qu’en est-il de cet être humain qui git dans une couche, étendu sur un matelas trop dur, branché à d’innombrables solutés et médicaments? Qu’en est-il de sa volonté? Qu’en est-il de son honneur? De sa liberté?
Cette image que vous décidez de surmonter même si ce n’est pas joli à voir, que vous décidez d’estomper pour pouvoir vivre vos derniers moments, ce n’est pas l’image que cette personne souhaite que vous gardiez d’elle.
Et, inconsciemment, en mentionnant si souvent à quel point vous serez tristes lorsque la mort viendra faucher vos proches, en demandant des tests supplémentaires et des soutiens médicaux pour maintenir ceux que vous aimez en vie, vous leur refusez ce droit à la dignité. Ce droit de choisir leur moment, de quitter lorsque c’en est trop. La vie fait bien les choses, et même si elle est parfois sans merci, il faut la laisser tracer son chemin sans trop faire diverger sa trajectoire.
Il faut laisser filer le temps entre nos doigts et dire adieu, à un certain moment. Se rappeler les bonnes choses et garder en mémoire ces douces images éphémères. Être résilient, donner la possibilité aux autres de partir, sans faire d’histoires. Sans les frapper en plein visage à grands coups de « T’avais pas le droit de me faire ça ».
Cesser de tout centrer sur soi-même et comprendre qu’il ne s’agit pas seulement de ce qu’on veut, mais aussi de la volonté des autres.
La vieillesse fait partie de ce pacte silencieux que l’on fait avec la vie. Et ce qui rend notre voyage si précieux, c’est qu’il se termine, un jour ou l’autre. Le plus beau cadeau que vous puissiez faire à ceux que vous aimez, c’est de leur donner cette chance de décider quand ce voyage tire à sa fin.