C'est difficile la vingtaine. On nous dit souvent que ce sont les meilleures années de nos vies. On est enfin assez grands pour être considérés comme des adultes responsables, assez grands pour choisir sa carrière pour le reste de sa vie, assez grands pour se payer une maison, assez grands pour comprendre le concept des impôts (est-ce qu'il y a vraiment quelqu'un qui finit par le comprendre?!), assez grands pour prendre ses rendez-vous sans maman, assez grands pour réussir des recettes bien raffinées dans le catalogue Ricardo, assez grands pour s'occuper d'un autre être humain et assez grands pour payer son loyer à chaque mois. La vingtaine est une phase que l'on glorifie depuis toujours. Comme si tous les problèmes irrésolus pendant l'adolescence allaient magiquement se résoudre par eux-mêmes. Malheureusement, l'arrivée de la vingtaine est loin de s'accompagner d'une fée marraine qui, en un claquement de doigts, te déniche un appartement sur le plateau en bas de 800 $.
Je me rappelle que je parlais déjà de la vingtaine avec une amie à 8 ans. Nous étions assises chacune sur une balançoire et on parlait de l'amour. Je lui disais que j'étais certaine que j'allais me marier à 23 ans et avoir des enfants à 25 ans. Elle m'avait répondu qu'elle aussi. Nous avions fait un accord commun que 25 ans était l'âge limite pour se marier. Après, il était déjà trop tard. Par des calculs assez complexes pour une petite fille de 8 ans, j'avais déchiffré qu'à 26 ans, j'allais avoir trouver l'amour de ma vie, finir mon BAC, trouver une carrière, me faire demander en mariage et surtout être enceinte de mon premier enfant. Je félicite toutes les personnes de 25 ans qui ont réussi cet amalgame d'objectifs... De mon côté, j'ai atteint 1 but sur les 5. J'ai changé 3 fois de programmes à l'université pour vous donner une petite idée. Je ris souvent de ce souvenir avec mon amie. Malgré tout, je suis certaine qu'une centaine de petits enfants pensaient comme moi. C’est assez déstabilisant de réaliser que ces rêves ne sont pas instantanés. On ne nous dit pas assez souvent qu’il est normal, dans sa vingtaine, de se sentir perdue. À cette période de la vie, on se fait souvent (beaucoup trop) questionner sur notre avenir et nos ambitions.
- As-tu enfin un petit chum?
- Tu étudies en quoi?
- C’est pour quand le bébé?
- C’est pour quand le mariage???????
Comme si ces sujets constituaient ma vie entière. Pourtant, on ne pose pas de questions sur mes futurs voyages, la santé de ma seule plante à mon appartement que j’ai réussi à garder vivante, mon chat ou mon état mental.
Je ne pense pas que les réseaux sociaux aident à la cause. Perpétuellement à la quête du nouveau poste sur instagram de Catherine qui vient d’accoucher de son quatrième enfant, de Maryse qui effectue son troisième tour du monde en bateau, de Jacob qui est maintenant pratiquement PDG d’une compagnie, de Émilie qui vient de s’acheter sa première propriété à 800 000$, de Léa qui vient de passer à la voix et j’en passe. Le téléphone collé aux paumes de nos mains, nous scrutons chaque nouveau mouvement de nos amis. Inévitablement, on se compare. J’aimerais tellement moi aussi parler 4 langues comme Jeanne ou jouer du piano à l’orchestre symphonique comme Luc, mais je ne le fais pas. La vraie question est ; est ce que j’aurais vraiment envie de le faire si je ne le voyais pas sur mon téléphone. Est-ce que l’on se mettrait autant de pression sur nos capacités et nos expériences si on ne voyait pas celles des autres? Je ne pense pas. On essaie d’être à la hauteur et d’atteindre le même niveau d'excellence que les autres en dépit de nos véritables buts.
La vingtaine n’est pas une solution magique. Les problèmes finissent toujours par se résoudre, mais pas nécessairement dans la vingtaine. Il ne faut pas penser que tous les événements excitants de la vie doivent être condensés dans une seule période. Il se peut que tu trouves l’amour de ta vie à 60 ans ou la carrière de tes rêves à 40 ans. Il n’y pas de bon moment pour réaliser ses objectifs. C’est un détail que l’on oublie trop souvent de divulguer. J’aimerais que l’on se défasse de l’idée préconçue des objectifs que l’on doit atteindre avant nos 30 ans. Un cheminement de vie est fait pour être imparfait.