Depuis le début de la pandémie et du déconfinement, on parle beaucoup de liberté, ce qui devrait être et ne pas être. Les gens se classent en deux catégories, contre l’existence d’une pandémie mortelle et dangereuse ou pour le confinement, la distanciation et les masques. Beaucoup ressentent les effets néfastes de la pandémie et de toutes ses restrictions, dont moi-même et beaucoup de mon entourage. Je travaille en restauration, en fait, j’y ai travaillé toute ma vie, ce monde m’a forgée, a fait de moi une personne à part entière, unique et plein de capacité.
Je vois beaucoup de commentaires passer sur les réseaux sociaux, décrivant les bars et les restaurants comme un endroit où l’on passe les portes de l’enfer en entrant, premier arrêt avant de rejoindre le prince des ténèbres (J’avoue que j’irais bien rejoindre Tom Ellis le temps d’une soirée). Inutile, porteur de Covid, fait pour les gens qui n’ont aucune conscience collective, selfish as f***, tsé, les parias de la société. Ils devraient rester fermés, entreprises non-nécessaires à notre société et qui propulsent la Covid aussi intensément que le Crew Dragon de SpaceX le mois passé. Autant que j’ai ma propre opinion sur le sujet, autant je ne dénigre pas le fonctionnaire payé plein salaire à travailler de la maison qui passe son temps à me dénigrer moi, mon domaine et mon entourage sur internet. Alors pour vous, chère Karen de ce monde, laissez-moi mettre quelques points au clair.
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L’industrie de la restauration et hôtellerie représente près de 13.6 milliards de vente (2018) et emploie plus de 200 000 personnes, soit un peu plus de 6% de la population du Québec (ARQ,2018). Ce secteur représente environ 4% du PIB du Canada et est l’un des plus gros secteurs économiques privé du pays (TUAC, 2017). Inutile de dire que la restauration est partie intégrante de la vie des Québécois et Canadiens, c’est une culture, un mode de vie.
Vous faites quoi à la fête de matante Ginette? Vous allez au restaurant. Vous faites quoi quand vous voulez sortir jaser et avoir du plaisir avec des amis? Vous allez prendre un verre relax dans un bar. Vous faites quoi quand vous voulez vous gâter? Vous allez vous faire servir au restaurant et en profiter. Il serait peut-être temps d’arrêter de faire de l’hypocrisie sociétale et cesser de dire que le secteur ne devrait pas exister présentement, qu’il est ingrat. Bien qu’il ne soit pas essentiel à notre survie, Sephora, Ardène et Place Laurier ne le sont pas non plus et personne ne crie au loup pour leur fermeture.
On n’est pas juste des serveuses et des cuisiniers, on n’est pas moins intelligents ou compétents que vous et nous ne méritons pas d’être sacrifiés sans considération et en nous décrivant comme des disciples de l’enfer. Nous sommes particulièrement touchés par cette pandémie, les premiers à fermer, les derniers à rouvrir, parmi ceux qui ont le plus de contraintes et de changements à apporter dans leur façon de travailler, le secteur est l’un des premiers touchés par une récession également. Nous perdons beaucoup d’argent même en étant ouvert, alors NON, on ne s’en fout pas de la pandémie et nous ne voulons pas non plus retomber en confinement.
La restauration, je l’ai étudiée, oui oui, imagine-toi dont Karen qu’il y a des programmes dans les écoles pour apprendre le métier. Des parias peut-être, mais des parias éduqués. J’y ai développé des compétences qui pourront me servir dans toutes les sphères de ma vie, développé mon sens de l’initiative et du jugement (ma patience aussi), de même que ma mémoire et ma polyvalence. La restauration t’oblige à respecter tous types de personnes, même ceux qui n’ont aucune considération pour toi et ton travail, ceux qui te voient comme des servants et te disent que le pourboire n’est pas obligatoire.
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C’est un monde, certes différent, avec ses bons et ses mauvais côtés, mais un monde passionnant, étonnant, changeant et plein de vie. Tu y fais les plus belles rencontres et les meilleurs souvenirs, tu crées des liens forts et tu repousses tes limites constamment. Le plaisir est une chose essentielle pour tous, ce que je souhaite, c’est simplement un peu de respect pour tous les entrepreneurs et employés du domaine qui s’efforcent de vous servir, de vous donner du plaisir et vous faire oublier l’instant d’un moment cette situation particulièrement accablante.
À mes amies, collègues, compatriotes, du plongeur, en passant par le DJ, jusqu’au propriétaire, vous êtes merveilleux. On ne sauve peut-être pas le monde, mais on lui apporte certainement un peu de bonheur.
#standtogether