Alors que beaucoup ne rêvent que d’une chose, soit que tout revienne à la normale, que l'on puisse sortir à nouveau, se réunir et faire la fête, de mon côté ce n’est pas tout à fait ça. La fin de la quarantaine, le retour à la normale me fait peur, m’angoisse même.
Oui j’ai envie de revoir mes amis, oui je veux retourner dans ma salle de sport, oui je veux à nouveau voyager, sortir, profiter du beau temps et de ce que la vie peut nous offrir. Mais je ne suis pas prête à retourner à avant.
J’ai la chance d’être en bonne santé, de continuer à travailler de chez moi, de continuer à parler régulièrement avec mes amis, d’en voir certains (à deux mètres de distance), de faire du sport régulièrement. Mais avant le confinement j’étais un peu à bout émotionnellement parlant, dans une période difficile, une situation difficile à gérer. Les obligations sociales me pesaient de plus en plus. Devoir sortir, faire des activités, sourire et dire «oui, je vais bien» à longueur de temps, ça devenait difficile pour mon mental, j’avais besoin d’une pause, mais d’une pause sans jugement, d’un moment pour moi afin de vivre mes émotions sans me justifier.
Et là est arrivé le confinement, la quarantaine. Voilà que l’on m’offre du temps juste pour moi, que l’on me décharge des obligations sociales. Je n’ai plus à me forcer pour sortir ou faire des activités, je n’ai plus à me justifier de ne pas vouloir sortir un samedi soir et de préférer rester chez moi à lire ou à regarder un film. J’ai bien conscience que cette bénédiction est une chance qui n’est pas celle de milliers d’autres personnes. Oui je me sens coupable et honteuse. Coupable parce que mon bonheur est injuste, il est construit sur une crise mondiale. Injuste par rapport aux personnes malades, aux personnes qui ont perdu des proches. Injuste par rapport à ceux qui vivent l’enfer chez eux (conjoint(e) violent(e), difficultés financières, appartement minuscule sans extérieur). Injuste pour les travailleurs de première ligne, pour les personnes âgées isolées, pour les immigrants qui sont les premiers touchés par cette crise.
Mais voilà ma réalité, c’est que j’avais besoin de ce moment et j’en ai encore besoin. J’ai été obligée de m’écouter, seule avec moi-même je n’avais pas de porte de sortie, pas d'horaire surchargé pour m’éviter de penser. J’ai dû revoir ma façon d’être, ma façon de penser, me recentrer sur ce que je voulais vraiment faire, et comment j’avais envie de vivre ma vie.
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Ce virus nous offre la possibilité de voir les choses autrement et surtout nous libère de cette fâcheuse culpabilité d’être seule. On peut pour une fois se foutre la paix et lâcher prise sans se soucier du jugement des autres.
J’ai enfin entrepris d’écrire mon livre, de me mettre activement au yoga, de mieux manger, de suivre une thérapie avec une coach de vie qui me propose une autre vision de mon univers.
La question pour moi, c’est l’après. La pression sociale va-t-elle revenir? Les jugements des autres vont-ils recommencer? Va-t-on encore devoir cacher nos émotions, nos sentiments et ne pas accepter d’avoir besoin de pause de temps en temps parce que la société nous dit que c’est mal vu?
Mais il est permis d’espérer que nous garderons quelques bonnes habitudes de cette période. Nos vies vont peut-être devenir plus douces et nous deviendront peut-être plus emphatiques envers les autres et nous-mêmes … enfin je l’espère.