Têtes grises et fèves au lard

Je regarde d’un air peu convaincu le contenu de mon assiette tout en balayant la salle du regard. 250 têtes, grises pour la plupart, semblent prendre plaisir au déjeuner servi par une poignée de bénévoles motivés en ce dimanche matin.

Le brunch de La Légion a l’air d’une véritable institution. La file ne désemplit pas jusqu’à midi pour se faire servir œufs, bacon et fèves au lard. Tous les bénévoles ont visiblement eux aussi plus de 65 ans.

Reine, 75 ans, surveillante au secondaire

« C’est bon hein? »

Je regarde la dame énergique assise en face de moi qui m’interpelle pour savoir si j'apprécie le contenu de mon assiette.

Les yeux bleus pétillants, la dame que je nommerais Reine, entame la conversation.

À côté de moi, un autre couple d’habitués qui ont plus de 70 ans se régalent aussi.

J'adore discuter avec les personnes plus âgées. Reine me raconte qu’elle a 75 ans.

Elle arbore une coupe de cheveux gris à la Tintin, des ongles au vernis impeccable et une bonne humeur à toute épreuve.

Je reste bouche bée quand elle me dit qu’elle travaille au service de garde de l’école du coin avec les maternelles.

« Mais je fais aussi des remplacements comme surveillante au secondaire, me dit-elle. J’adore ça! Tiens, regarde ce que je fais. »

Elle me montre une photo des petites surprises qu’elle a préparées pour chaque enfant:  un suçon en forme de cœur avec une petite carte personnalisée pour la Saint-Valentin.

« Je m’ennuie chez moi, ça m'occupe et les enfants adorent ça. Pour Pâques, je leur ferai des petits cocos. Et pour Halloween, je me déguise et je me teins les cheveux en rose fluo! »

Mon cœur fond d’admiration devant cette intrépide ainée qui continue à travailler pour le plaisir de donner de son temps à la jeune génération.

Redonner à la société tant qu’on peut

Mon voisin de table qui s’est joint à la conversation me dit : ’ Ce n’est pas parce qu’on a plus de 70 ans qu’on est plus bon à rien. On a encore beaucoup à donner et on veut redonner autour de nous tant qu’on peut.  On a besoin de continuer à se sentir utiles dans la société.’

Favoriser la mixité des générations, un pari gagnant

Je suis repartie, admirative et songeuse.

On gagnerait à ouvrir davantage nos écoles aux ainés et à favoriser la mixité des générations pour le plus grand bonheur de tous.

Je reviendrais au prochain brunch de la Légion, pas tant pour la qualité des fèves au lard que pour côtoyer à nouveau ces personnes inspirantes et sympathiques.

Image de couverture de Noah Silliman
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