Encore une fois, c’est en n’étant pas très au courant du contenu de la pièce que je me suis dirigé au théâtre pour voir “Je viendrai moins souvent”. J’avais eu de bons échos sur celle-ci, le synopsis m’a plu, je savais donc de quoi il allait être question en cette soirée, et pourtant j’ai été agréablement surpris, et triste à la fois, lors de ma sortie de la représentation.
Ce qui frappe d’abord c’est le caractère intime et autobiographique de l'œuvre.
Dès le départ, on sent que l’histoire n’est pas inventée. Camille, la seule actrice tout au long de la pièce sur scène, du moins la seule actrice active, s’adresse directement à nous avec simplicité et émotion. Se trouve également sur le côté une autre personne qui joue un rôle très marginal et aucunement actif, celle-ci s’occupant visiblement du son tout au long de la narration que Camille nous fait pendant ces poignantes quatre-vingt-dix minutes.
Camille nous partage donc, avec une merveilleuse sensibilité et un beau courage, les dernières années qu’elle a eu avec sa grand-mère Pauline et le deuil qui s'ensuivit. Tout au long de la pièce, plusieurs enregistrements vocaux qu’elle a recueillis auprès de celle-ci nous sont partagés, des enregistrements qui nous aident à mieux comprendre et à mieux nous plonger dans la relation qu’elle a eue avec la mère de sa mère. Puis, accompagnant ces enregistrements, Camille nous raconte plusieurs anecdotes très touchantes, allant de comment Pauline a rencontré son époux (le grand-père de Camille) jusqu'à comment elle a oublié que celui-ci était décédé depuis plusieurs années déjà au moment des enregistrements. Car oui, Pauline est atteinte d'alzheimer, Pauline se souvient de moins en moins de certaines choses, et reconnaît plus difficilement certaines personnes. Dont sa petite-fille Camille.
En même temps que cette lente descente de l’état de santé de Pauline, Camille nous replonge à travers toute la période reliée à la pandémie et au sein de toutes les restrictions que nous avons dû vivre pendant cette période. La pandémie, avec tout l'isolement qu’ont dû notamment vivre les personnes aînées, notamment celles qui sont restées emprisonnées au sein des CHSLD. Ces personnes âgées qui sont restées cloîtrées dans leur chambre pendant plusieurs mois, sans pouvoir vraiment y sortir, ces personnes âgées qui malheureusement étaient même pour la plupart carrément alitées. Où non seulement il était impossible d’aller les visiter, mais qu’il était également difficile de les contacter ne serait-ce que par téléphone lorsque ces personnes n’avaient pas de cellulaires tant que les adjoint.e.s administratifs.ves, les préposé.e.s et les infirmiers.ères étaient débordé.e.s par les évènements.
Il est également intéressant de noter la quasi-absence d’hommes dans la pièce.
À part les quelques secondes d’enregistrements audio de l’ex de Camille, celle-ci nous rappelle à quel point les femmes qui, d’une part, vieillissent en moyenne plus longtemps que les hommes, et d’autre part travaillent en plus grand nombre en tant qu'infirmières et préposées dans le milieu de la santé, ont particulièrement subi les effets de l’isolement dû à la pandémie.
Et donc Pauline, qui vit de plus en plus seule - d’ailleurs à l’exception de Camille, peu de gens semblent aller la visiter, autant lorsqu’elle était à la maison qu’au CHSLD. Pauline, qui vit de plus en plus avec, non seulement avec des troubles de la mémoire, mais aussi avec une perte graduelle et momentanée du langage, elle qui devient momentanément aphasique. Se sentir seul.e est terrible, et Camille nous véhicule bien ce sentiment.
Au sortir de la pièce - et pendant celle-ci même - je n’avais de pensées que pour ces personnes aînées qui ne demandent qu’à ce qu’on leur accorde un peu de notre temps. Et ne serait-ce que pour cela seulement, nous ne pouvons que remercier Camille pour cette prise de conscience.
* Vous pouvez écouter le balado Quelqu'une d'immortelle qui reprend en 3 épisodes l’histoire de Pauline et de sa petite-fille Camille.
Image de couverture via Théâtre Duceppe