Trois si petits mots pour une grande signification. Combien de fois avons-nous attendu, bouche bée, en voyant des lèvres bouger ? Combien de fois encore n'avons-nous pas su les dire à temps ?

Par retenue, nous avons appris à les garder pour soi. Comme un secret, un trésor, les mots sont sacrés. On les réserve pour les belles occasions, pour les soirées romantiques ou pour les derniers instants. Si l'on se surprend à trop les dire, ils s'usent et tombent dans l'abîme. Peut-être même qu'il y a un nombre de fois à respecter. C'est une mécanique bien huilée. On les retient, on les cajole. Ils se méritent, parait-il, tout le monde n'y a pas droit. 

Dire « je t'aime » est souvent le but ultime, la dernière marche, le dernier défi. Il y a le « je t'aime » organisé à l'avance, celui qui est prêt et dont chaque minute est planifiée. Il y a le « je t'aime » balancé à la volée, celui que l'on se demande si on doit l'accepter. Il y en a un autre à peine audible, ruminé et bafouillé que l'on préfère ravaler. Pourquoi cette déclaration peut-elle paraitre si difficile à atteindre ? Peut-être parce qu'après l'avoir prononcée, nous ne pouvons pas faire machine arrière, parce qu'elle est si poignante que l'on se demande si nous sommes assez forts pour oser la ressentir. La réponse nous terrorise, la blessure du rejet fait son nid et nous manquons de confiance.

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Mais n'est-ce pas fatigant de trainer cette boule qui frappe notre poitrine par peur d'un regret ou d'une non-réciprocité? Vient alors la longue hésitation pour laquelle on se croirait dans un aéroport en train de faire nos adieux déchirants avant le dernier appel. Tu meurs d'envie de cracher le morceau, mais ta tête te dit stop au cas où il y aurait du danger. C'est épuisant, je trouve, de toujours se trouver sur un fil au-dessus du vide, car, une fois l'avion dans le ciel, il est déjà trop tard.

Si certains ne savent pas les exprimer, d'autres, en revanche, les attendent avec impatience. Je crois même que certains ont perdu espoir.  Quoi faire? Se taire à tout jamais? Bannir ces mots du dictionnaire? Ou bien prendre le risque de donner cet amour, tout simplement, parce qu'à ce moment précis, notre cœur le vit?

Ces mots devraient se crier, s'afficher aux yeux de tous, se graver dans la pierre, se dessiner. Ces mots devraient être plus forts que l'égo, que l'orgueil, et la morale.

Qu'importe sa forme, sa couleur, la manière dont il est dit, au milieu de la cuisine ou en haut d'une colline. Les « je t'aime » valent toute la peine, qu'ils soient murmurés, flamboyants, extravagants, ou simplement évoqués.

Puisqu'en fait, ce n'est pas la répétition du mot qui lui fait perdre sa valeur, c'est quand il est dénué de sens et dévoré par l'indifférence. 

Je ne veux plus me retenir et regarder l'avion partir en silence. Je veux pouvoir les incarner, les prouver, à la famille, aux amis, à des collègues, à une équipe, aux amoureux. Je veux vivre des « je t'aime » jusqu'à l'infini.

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