« T’es belle quand même ».
Je suis belle quand même avec mes gros seins qui font toujours déboutonner le troisième bouton de ma chemise, avec mon ventre qui plie mou, mes cuisses qui se frottent ensemble pis mes hanches qui me dérangent quand vient le temps d’enfiler des jeans. Pis j’ai même en bonus, du bon gros gras de menton ben pratique quand vient le temps d’envoyer des photos-de-marde à mes amis pour gagner le concours de la plus laitte. Je vous le dis, un must.
Pis savez-vous quoi ? Quand je me penche, toute ma peau fait des vagues, pis quand je me m’étire, toute remonte. C’est comme un lifting du corps, mais gratis. Pourtant, ça m’empêche pas de me retrouver devant mon miroir en long dans mon salon en faisant des poses de mannequin à la Tyra Banks. Je m’en fous. Même si mes rideaux sont ouverts. Même si je suis en chair.
Oui, c’est ça qu’une vendeuse m’a dit l’autre fois, quand je voulais m’acheter un bikini pis que le bas était trop petit pour moi.
« En chair » c’est une expression gentille pour caller poliment quelqu’un de « grosse ». Une personne ayant un excès de poids, mettons.
Comme j’ai fait le lien assez rapidement dans ma tête, je me suis mise à croire ça, que j’étais grosse, voire obèse. Pis après ça, j’ai arrêté de faire des poses connes de mannequin dans le miroir, pis de m’acheter des bikinis, pis des camisoles pour pouvoir cacher mon gras de bye bye. Je me suis même dégotée un corset à la Plaza St-Hubert comme les annonces affichées dans le métro avec le monsieur pis la femme musclés qui en portent un pour être beaux. J’avais de la misère à marcher, à tourner mon corps à plus de 40 degrés et à me pencher, mais au moins, je rentrais dans du small quand je portais ça. Une belle poupée de plastique.
Ça a duré deux heures.
Après, je me trouvais trop conne d’avoir dépensé 50 piasses pour avoir mal.
Après, je me suis rendue compte qu'il y a des femmes qui endurent plein de shit inhumaines de ce style-là, pour être plus minces.
Après, je me suis demandée si, moi aussi, j’étais game de toujours souffrir et d’être mal dans ma peau pis de perdre mon temps à essayer d’être pu en chair, pour être belle. Pour être belle.
Je sais pas si c’était à cause de mon Pogo ketchup-moutarde auquel je ne voulais pas renoncer, ou le fait qu'à cause de mon corset, j'étais obligée de me gratter le dos sur le coin de ma table comme mon chat, mais assurément, la réponse était non.
NON.
Si le fait de m’entraîner deux fois par semaine, d’utiliser mon vélo et de manger le plus sainement possible sans se priver des bonnes choses de la vie (un pogo ketchup-moutarde), c’est pas suffisant, TOO BAD.
Tant mieux si Blake Lively pis Ryan Reynolds se sont trouvés, mais moi ma quête du bonheur, j’irai la poursuivre ailleurs que dans celle de mon physique et de tous les standards de beauté inatteignables qui fatiguent mon amour-propre. Désolée, mais j’ai l’air ben plus cool avec un bourrelet qu’avec une face d’envie de chier parce que je ne suis plus capable de m’assoir...ou de respirer.
Et c’est pas vrai que je vais me mettre au régime, à m’empiffrer de pilules trop grosses à avaler qui puent le poisson et que je devrai prendre avec un shake qui goûte même pas la saveur indiquée. No way. Je resterai dans ma taille 12 ans (qui en passant, est la même que celle de Marylin Monroe, c’est juste que dans son temps, c’était du 8 ans), à m’accepter petit peu par petit peu, chaque jour, pis à écouler mon temps dans quelque chose de vraiment valorisant, comme écrire, par exemple.
Oui, parce que j’ai compris que s’accepter aujourd’hui, c’est presque rendu un exploit, un mystère qu’on aimerait résoudre, c’est le Fort Boyard des gens qui ont réussi à ramasser toutes les clefs pour atteindre le bonheur.
Le père Fouras don’t give a shit à propos de ta cellulite sur tes cuisses.
Le père Fouras t’aime et il lève son majeur à tous les maudits magasins qui nous font passer pour des grosses en chair avec leur taille d’enfant de neuf ans pis leurs cabines mal éclairées pour être certains qu’on ne puisse pas s’apercevoir que leurs petites shorts trop serrées nous font un camel toe.
Un jour, c’est le short qui va s’adapter à mon camel toe.
Un jour, plus une femme au monde va se trouver trop grosse ou trop mince (ouais, parce que ça marche aussi à l’envers).
Et en attendant, je vais me trouver belle, belle sans le « quand même » qui venait juste avant dans ma tête.
Pis je vais brûler mon corset-de-marde.
Pis je vais me shaker la bedaine pour toutes celles qui n’osent pas encore le faire.
Et surtout parce qu’au bout du compte, dans 100 ans quand je serais morte, on ne se rappellera pas de moi parce que j’étais en chair, mais plutôt pour ce que j’aurai accompli.
Pis je ne laisserai pas une madame frustrée que je ne connais même pas brimer ma confiance en moi.