Par où commencer? Je suis une fille comme les autres. Je suis un être humain avec ses forces et ses complexes. Je suis une femme qui s’intéresse aux valeurs humaines et à la sexualité. Je suis un petit rayon de soleil ambulant. Je suis enjouée et j’aime les gens. Malheureusement, je suis également une survivante d’agression sexuelle. Oui, je me suis fait violer.
Tout n’a pas commencé dans une ruelle sombre avec d’un inconnu qui me suivait de près. Tout a commencé par une connexion, une douceur. Un lien avec une personne qui m’était chère. Des moments de tendresse et de partage. Tranquillement, les fous rires se sont faits plus rares. La pression a grandi. Une tension s’est installée. Les moments de douceur se sont dissipés, jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien. Jusqu’à ce qu’il ne reste qu’une enveloppe vide, un corps utilisé, un corps souillé, une âme quelque peu brisée.
Retour à cette soirée marquante. Je suis au lit avec l’être que j’aime. Au lit avec mon homme. Au lit avec mon futur ennemi. On s’embrasse tranquillement, on s’embrasse tendrement. Les mains se faufilent, les mains se joignent. Les baisers se font de plus en plus suaves, de plus en plus rigoureux. La passion grandit. Je m’ouvre peu à peu. Je me sens bien, je me sens là. Encore un moment de passion, j’en veux encore plus. Ses mains parcourent mon corps. Je me sens liée, bien et fragile.
En une fraction de seconde, les choses changent. Son être robuste me chavire, me possède, me domine. Passant d’un moment de partage à un moment de doute, un moment de frayeur. La confusion m’envahit. Je n’ai pas le temps de réagir. Il me prend fermement, il me pénètre violemment. Il ne me laisse aucun temps. Je sais maintenant qu’il se défoule. Sa colère se déverse sur mon être. Je suis son bouc émissaire. J’entends seulement ses mots poignants : « Je fais ce que je veux. Je fais ce que je veux ». Et c’est ce qu’il fait.
Il fait ce qu’il veut de mon être, comme si je lui appartenais. Aucun mot ne sort de ma bouche. Je suis désensibilisée, je ne comprends pas ce qui se passe. Je continue, je continue. Je ne peux pas vivre ce moment. Je ne peux pas accepter d’être sa victime, son jouet, son déchet. Mais je ne sais pas comment réagir… Je le laisse faire. Je ne peux pas mener cette bataille. Il éjacule sur mon visage. Il me laisse seule dans son lit. Il se retourne. Il ne veut plus de moi. Je m’endors à ses côtés. Recroquevillée en boule. J’essaie d’être forte. J’essaie de penser à autre chose. Je me dis que c’est dans ma tête. Ça ne m’est pas arrivé. Je suis forte. Je vais dormir et ça va aller mieux.
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Les jours passent. Je me sens dégoutée. Les jours passent. Mon cœur est triste. J’éclate en sanglots. Mon ami m’a trahie. Mon partenaire du quotidien m’a blessée. Ma personne de confiance n’est plus. Finis les sourires partagés. Maintenant, la douleur est reine. Dorénavant, je dois faire mon quotidien. Je dois travailler, je dois sourire. Je suis positive. Je tombe un peu, je suis chambranlante, j’ai de la misère. Les jours se font ternes. Les jours continuent, mais ma tête est ailleurs. Les heures défilent, mais semblent durer une éternité. Je dois composer avec cette nouvelle réalité : je me suis fait violer.
Vais-je en parler? Vais-je le dénoncer? Non, je ne veux pas. C’est déjà assez douloureux d’expliquer à mes proches que cette personne ne fait plus partie de ma vie. Je ne veux pas m’exposer. Je veux juste oublier. Pourquoi témoigner? Pourquoi revivre ce moment? Pourquoi me faire du mal? C’est sa parole contre la mienne. Je ne veux pas de pitié. Je veux juste avancer. Je vais me désensibiliser. Je vais rencontrer quelqu’un d’autre. Je ne veux pas être souillée, ce n’est pas mon rôle à jouer.
Pourquoi en parler maintenant? Parce qu’il y a beaucoup trop de tabous. Parce que les gens n’en parlent pas. Parce qu’ils s’imaginent que les violeurs sont des inconnus. Que ça se passe dans une ruelle. Parce que j’ai eu honte. Parce qu’il doit avoir un sens à tout ça. Parce que je suis un être qui partage et qui aime. Parce que l’authenticité et la vérité sont toujours primordiales. Parce que je veux connecter. Parce que j’aime les gens et que je veux vous le partager. Parce que si je peux apporter un soupçon de vérité et de sensibilisation, cette expérience aura au moins servi à ça.