Ça fait plusieurs minutes que je pleure. 

Et je cherche mes mots. 

À quel moment j’ai pu penser que c’était une bonne idée de m’embarquer dans cette aventure?

Tu m’avais fait comprendre dès le début de notre idylle que tu ne te faisais pas d’attentes par rapport à moi. Tu ne savais pas où tu serais dans la prochaine année et tu ne voulais pas t’embarquer dans une relation maintenant. De mon côté, je n’étais pas prête à être en couple à nouveau, mais je n’allais pas dire non à un peu de chaleur humaine. Ça tombait bien qu’on soit sur la même longueur d’onde. Il n’y avait pas de problème.

Jusqu’au jour où j’ai remarqué que mon cœur battait plus vite quand tu étais dans la même pièce que moi. Et que ta présence me rassurait. Tu étais la personne que j’avais le plus hâte de voir une fois ma journée de travail terminée. 

Je m’étais juré que ça n’arriverait pas. Mais mon cœur n’était pas d’accord avec ma tête pour ce coup-là.

J’étais tombée en amour avec toi. 

Tes beaux yeux, ta prestance, ton intelligence et ton fort caractère m’ont fait fondre, je dois l’avouer. Mais cet été, tu t’es confié à moi. Tu m’as flatté les cheveux pendant que je m’endormais dans tes bras. Tu m’as défendue quand on s’en prenait à moi et tu as toujours été respectueux à mon égard. Et c’est probablement pour ça que je me suis autant attachée à toi. 

Je ne t’ai pas dit tout de suite que tu vivais dans mes pensées chaque heure de la journée. Et peut-être que j’aurais dû, ça m’aurait évité bien des tourments. 

C’est quand les feuilles des arbres ont commencé à changer de couleur que j’ai dû, à contrecœur, te quitter : les études m’attendaient dans la grande ville. J’ai donc laissé derrière moi les doux souvenirs estivaux qu’on avait créés ensemble : les observations de baleines à la belle étoile, les discussions jusqu’aux petites heures du matin, les tendres nuits passées dans tes bras et les séances de vaisselles où nos mains se frôlaient discrètement. 

C’est avec la distance que j’ai réalisé à quel point mes sentiments pour toi étaient forts et que tu me manquais. Je m’ennuyais de toi, de tes histoires de baleines et de bleuets sauvages. Mais aussi de ton corps près du mien. Je ne pouvais plus le nier. Alors je t’ai fait part de mes états d’âme. J’avais besoin que tu saches. 

Mais mes sentiments n’étaient pas réciproques, semblait-il.

Puis, pour toi, une relation à distance, ce n’était pas une bonne idée. Et tu m’as rechanté ta même rengaine encore et encore : tu ne veux pas t’attacher en ne sachant pas où la vie va te mener dans les prochains mois. 

J’ai compris tes raisons. Mais tu as tourné autour du pot et ne m’as jamais clairement dit si tu t’étais autant attaché à moi que moi à toi. Je n’ose pas te le demander. Parce que j’ai de la difficulté à concevoir que quelqu’un qui a pleuré devant moi et qui m’a vu dans des moments terriblement vulnérables peut dire avec autant de conviction qu’il ne ressent rien. 

Tes paroles et tes gestes ne s’accordent pas. Est-ce que tu m’as menti? Ou tu t’es menti à toi-même?  

On a choisi de cacher notre aventure aux gens qui nous entouraient et je me suis longtemps demandé pourquoi. Avec le recul, j’en suis venue à penser que c’est peut-être parce que tu n’étais pas prêt à assumer tes sentiments. 

Tu me l’as dit, dans l’un de nos moments de confidence, que ça te faisait peur d’aimer quelqu’un à nouveau. Tu avais tellement été brisé auparavant que rien ni personne ne pouvait percer ta carapace. 

Ce qui me fait le plus de peine, c’est qu’on s’entendait tellement bien, toi et moi. On pouvait rester en silence à regarder l’horizon pendant des heures. Je complétais tes phrases quand tu cherchais tes mots. On se comprenait en un seul regard. Nos mains s’entrelaçaient comme si elles avaient été sculptées pour tenir l’une dans l’autre.  

Je ne regrette rien de ce qui s’est passé cet été. Mais mon cœur a terriblement mal en ce moment. 

Je sais que tu as besoin de temps pour guérir tes blessures. Je ne te brusquerai pas. J’espère juste que tu trouveras un jour le courage d’aimer à nouveau. 

Et ce jour-là, j’espère que je serai celle à qui tu penseras. 

Image de couverture d'Etienne Girardet
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